Pour remettre la peur à sa juste place, la compréhension est utile. Pour comprendre un évènement historique comme la tentative d’assassinat du premier ministre slovaque en 2024, il peut être utile de regarder les précédents pour voir si certains mécanismes se répètent. Nous avons déjà regarder du côté de l’assassinat de l’ancien « premier ministre » italien Aldo Moro en 1978, regardons maintenant du côté de celui d’Olof Palme, premier ministre suédois en exercice en 1986.
Depuis l’accession au trône de Bernadotte, un ancien maréchal de Napoléon, la Suède est un état neutre. Grâce à sa politique d’armements, elle réussit à faire respecter sa neutralité lors de la Première Guerre mondiale, ce qui fut plus difficile pendant la Seconde. Lorsque l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), nom de l’alliance militaire entre les États-Unis et des pays européens, fut créé en 1949, elle resta à l’écart. En pleine guerre froide, entre les États-Unis d’un côté et l’Union Soviétique (URSS) voisine, la Suède tient à rester neutre.
Cette neutralité est peut-être le reflet d’une vie politique partagée entre le « bloc socialiste » (sociaux-démocrates et communistes) d’un côté et la coalition de trois partis « bourgeois » (centristes, conservateurs et libéraux) de l’autre. De 1932 à 1976, le bloc socialiste reste au pouvoir sans interruption, cédant la place en 1976 à la coalition des partis « bourgeois ». En 1982, le bloc socialiste revient au pouvoir avec à sa tête Olof Palme. Les États-Unis n’appréciaient pas cet homme : lorsqu’il n’était que ministre, il avait participé à une manifestation contre le guerre du Vietnam, ce qui entraîna une rupture (temporaire) des relations diplomatiques entre les deux pays. Changera-t-il d’attitude ? Rien n’est moins sûr.
Sur le plan économique, par exemple, grâce aux fonds salariaux, il permet aux salariés de devenir actionnaires de leur entreprise (le groupe Auchan fait de même !) : la social-démocratie suédoise fut sans doute la plus puissante du monde.
Sur le plan international, lors de la crise des euromissiles, où Américains et Soviétiques placent leurs missiles en Europe, il s’oppose au déploiement des armes américaines en Europe.
Pire encore pour la politique de Ronald Reagan qui recherche une victoire militaire, Olof Palme propose non seulement la fin des deux grands blocs militaires (américain et soviétique) mais négocie ouvertement sur le sujet avec ses homologues soviétiques. Le documentaire de Dirk Pohlmann, La guerre froide dans le grand nord, diffusé sur Arte le 5 mai 2015 à 23 h 20, et toujours disponible sur Youtube là, est très éclairant sur le sujet.
En résumé, alors que l’OTAN espérait l’ouverture d’un deuxième front anti-soviétique en Suède, Olof Palme œuvrait à une dissolution de l’OTAN…
Alors, pourquoi fut-il assassiné ?
La page Wikipédia mentionne quatre différentes pistes :
- la piste du tueur isolé ;
- la piste des Sud-Africains qui ne supportaient pas sa politique anti-apartheid ;
- la piste des terroristes kurdes qui ne supportaient pas sa politique anti-terroriste ;
- la piste des Indiens corrompus qui s’inquiétaient de sa volonté de rendre publique une affaire de corruption.
Oui, bien sûr, à la question du cui bono, à qui profite le crime, ce sont des pistes possibles. Mais qui regroupe à la fois les moyens, le mobile et l’opportunité ?… Qui a le plus intérêt au crime ?
Et pour le mobile, comme dans les enquêtes policières où l’ouverture du testament éclaire les motifs cachés, regardons ce que le crime change : quelle est la situation avant, quelle est la situation après ?
Et en ce qui nous concerne, y a-t-il des concordances avec l’assassinat d’Aldo Moro en 1978 ?
Oui, il y en a.
Et avec la tentative d’assassinat de Robert Fico en 2024 ?
Encore davantage.
Les trouverez-vous ?…