Dans le langage, j’ai trouvé quatre projets, dont celui de se dire, de se connaître. En plus de comprendre l’autre, de se faire comprendre de l’autre, d’influencer l’autre, le langage sert aussi à se définir. Voilà une des raisons du succès d’un entretien en gestion mentale : il aide la personne à se dire au lieu d’être dite entre deux autres, donc interdite (inter = entre).
Voilà aussi pourquoi l’Union Européenne finança le CD de gestion mentale, estimant que notre discipline participe à la démocratisation.
Dans la conclusion de l’ouvrage d’une linguiste réputée, j’ai trouvé des échos à ce projet de se définir du langage. Voici cette conclusion.
« Tout au long de ce livre, il m’est souvent arrivé de comparer la lutte des femmes aux autres luttes sociales et politiques. C’est que tous les mouvements de libération ont des caractéristiques communes au plan linguistique.
1. Les registres séparés, les codes distincts rendent le dialogue difficile, sinon impossible avec l’oppresseur.
2. La façon de parler classe les individus et maintient la ségrégation.
3. Le pouvoir engendre l’incompréhension de l’autre ; l’homme, le Blanc, le bourgeois, l’adulte sait ce qu’il veut : le pouvoir, l’avoir et le garder. Ce que veut l’inférieur est un mystère. Mais que veut cet enfant ? Mais que veulent les Bretons, les Corses, les Noirs, etc. ? Mais que veulent les femmes ?
MAIS QU’EST-CE QU’ELLES VEULENT ?, disait Freud.
4. La lutte pour l’égalité, pour la liberté, pour l’identité culturelle, implique, pour les femmes comme pour tous les groupes opprimés, minoritaires, marginaux, déviants, la lutte pour le droit à l’expression, à la parole, pour le droit de se définir, de se nommer, au lieu d’être nommé, donc une lutte contre la langue du mépris. »
Marina YAGUELLO (1978), Les mots et les femmes. Essai d’approche socio-linguistique de la condition féminine, Petit bibliothèque Payot, Payot, 1992, p. 195