Un système, qu’il soit binaire, ternaire, quaternaire, etc., permet d’appréhender une situation, une notion, une idée. Mais c’est un outil heuristique, c’est-à-dire qui aide à la recherche ou à la découverte.
Lorsque nous voulons comprendre ou maîtriser une notion, nous pouvons lui appliquer un système n (binaire, ternaire, etc.), mais ce n’est pas parce que nous aurons trouvé que cette notion a n composantes que cela épuise la recherche ou les connaissances sur ce sujet (la vie ne se laisse pas enfermer).
Si nous cherchons à comprendre et à maîtriser cette notion, c’est que nous avons un objectif. Voir cette notion avec un système n (binaire, ternaire, etc.) nous permet d’atteindre cet objectif. Ou bien, si nous ne l’avons pas atteint complètement ou de façon satisfaisante, utiliser un système n nous permet d’avancer vers cet objectif : nous comprenons mieux la notion, nous la maîtrisons un peu.
Dans les deux cas, que l’objectif soit atteint entièrement ou partiellement, l’utilisation d’un système n nous aura aidé.
Nous pouvons trouver qu’une notion est composée d’un nombre fixe d’éléments de base : ce sera le nombre nécessaire et suffisant pour décrire et utiliser cette notion. Cela n’empêche pas de voir cette notion avec les autres systèmes. Par exemple, la main a cinq doigts : c’est le système quinaire (adjectif pour cinq) qui est le mieux adapté d’une façon courante. Mais nous pourrions voir la main :
- avec un système binaire (adjectif pour deux) : les quatre doigts et le pouce opposable ;
- avec un système ternaire (adjectif pour trois) : le pouce, la main interne et la main externe ;
- avec un système quaternaire (adjectif pour quatre) : la plupart des gens confondent mentalement le petit doigt et l’annulaire, qu’ils n’arrivent d’ailleurs pas à bouger séparément.
Chaque système apporte une vision différente, utile dans certains domaines et futiles dans d’autres.
Par exemple le système binaire appliqué à la main est fondamental en biologie de l’évolution, cf. Le pouce du panda de Gould.
Par exemple le système ternaire appliqué à la main est précieux dans les « arts martiaux » (et pour les Vulcaniens dont Monsieur Spoke est un illustre représentant).
Par exemple le système quaternaire appliqué à la main est fondamental en rééducation des opérations de la main (et en bande dessinée enfantine où les personnages n’ont que quatre doigts).
Je me suis limité aux systèmes d’arité 2, 3 et 4, mais nous pourrions chercher comment décrire la main avec un système sénaire, septénaire, octal, etc. (d’arité 6, 7, 8, etc.). À chaque utilisation d’un système, nous découvririons de nouvelles informations sur la main.
J’ai pris l’exemple de la main car elle est visible : nous pourrions trouver évident que cinq doigts la constituent, parce que nous la voyons. La main est une notion concrète. Certaines notions sont moins concrètes et plus abstraites : comme nous ne les voyons pas aussi facilement, il est difficile de trouver le nombre de leurs constituants de base.
Nous retrouvons la distinction entre la carte et le territoire; entre la représentation d’une chose et la chose elle-même. Un système est une représentation, une carte de la chose.
Régulièrement, mais pas fréquemment, une critique surgit lorsque nous avons utilisé un système et le confondons avec la réalité.
Par exemple en sociologie, on décrit souvent la société en trois classes : les pauvres, la classe moyenne, les riches.
Certains critiquent cette vision, comme vous pouvez le lire dans la citation suivante.
Tant que l’on n’objectivera pas les traces empiriques de ce découpage ternaire, que l’on ne montrera pas qu’il est plus pertinent qu’un découpage en deux, en neuf ou en quarante-cinq ou qu’une autre distribution plus complexe, il y aura de bonnes raisons de penser qu’il ne traduit rien d’autre que la pensée ternaire, selon le schéma élémentaire bas/moyen/haut, de ceux qui le mettent en œuvre.
Rémi Sinthon, Repenser la mobilité sociale, Éditions EHESS, 2018, p. 206
Voyez aussi mon explication sur l’utilisation du système ternaire comme outil de contrôle social d’une masse voyant le monde avec un système binaire.