Aux sources des mots : pédagogie

À l’origine, les mots avaient du sens

Pédagogique, pédagogie, mais que veulent dire ces mots à l’origine ?
Et si ce retour aux sources nous rappelait le premier souci de tout pédagogue  ?

Les mots pédagogie, pédagogique se rapportent au mot pédagogue, d’origine grecque. Ce terme désignait l’esclave, ou le serviteur, qui accompagnait l’enfant et préservait son intégrité1. Le pédagogue le protégeait notamment des pédophiles, comme on les appelle aujourd’hui à tort. À tort car il ne s’agit pas d’amitié (philie) mais d’un rapport de domination donc de viol où l’enfant est rabaissé au statut d’objet. Ce retour aux sources délivre déjà une piste de lecture : il y a ceux qui servent l’enfant (comme sujet) et ceux qui s’en servent (comme objet). Suivons cette piste.

La pédagogie considère-t-elle elle aussi l’enfant comme un objet ? Non. La pédagogie promeut l’enfant comme sujet, le pédagogue établit l’enfant comme une personne dont elle préserve l’intégrité. Le souci constant du pédagogue est ainsi de servir et protéger, de ne pas nuire à l’enfant. Nous retrouvons des principes anciens : primum non nocere2, dans le doute de faire du mal abstiens-toi3.

Mais si l’enfant est sujet et non objet, pourquoi l’accompagner ? C’est que l’enfant n’est pas adulte, c’est une personne mais pas une grande personne. L’enfant ne sait pas ou ne peut pas protéger seul son intégrité, l’adulte si. Le pédagogue, qui accompagnait l’enfant, le protégeait ainsi de ceux qui succombant à sa beauté angélique voulaient le connaître comme les Sodomites voulaient connaître les anges que protégeait Loth4. Et (ici les hiéroglyphes nous livrent des dessins explicites) connaître non pas dans le sens de rekh5, connaître un sujet, mais dans le sens de rekh, connaître bibliquement6.

connaître (un sujet)
connaître
(bibliquement)

Il y a donc des dangers dont l’enfant n’a pas conscience, et n’a pas besoin d’avoir conscience. L’enfance demeure le temps de l’insouciance. Et il peut se le permettre car quelqu’un se soucie à sa place des dangers et l’accompagne sur la route, une route semée d’embûches. Mais devra-t-on toujours accompagner la personne ? Non, la pédagogie n’est pas là pour toujours enlever les obstacles mais en un temps7 opportun8 pour accompagner à leur franchissement. Vivre est dangereux9. L’adulte le sait et sait prévenir voire affronter les dangers. Il ne s’agira donc pas de toujours faire à la place de l’enfant mais de le protéger tout en assurant les conditions favorables à son développement. Et de l’instruire en temps voulu de la complexité du monde qui l’entoure afin qu’à son tour il puisse librement y évoluer en harmonie.

En résumé, ce voyage aux origines du sens des mots délivre des indications précieuses sur la pédagogie : elle considère l’enfant comme un sujet et non un objet, elle se soucie de le protéger, elle s’assure de son développement à son rythme, elle l’accompagne dans le monde en attendant la maturité de son autonomie.

Quant à la qualité d’esclave du pédagogue, retenons-en surtout la dimension de serviteur, d’une personne agissant au service d’une autre. Revisiter ce terme d’esclave donnerait l’occasion d’un voyage où il faudrait distinguer l’antiquité des temps modernes, le statut de l’argent, la place du travail, le sentiment d’être un rouage social et non un maître, la notion de liberté et d’initiative… tant de choses qui risqueraient de nuire à la patience du lecteur. Et comme le premier souci du pédagogue est de ne pas nuire, laissons-lui un temps de repos10.

© F. C. Rava-Reny, 28/12/2014, http://www.rava-reny.com

1. Cf. Antoine de La Garanderie, Critique de la raison pédagogique, Nathan, 1997, p.46.

2. Primum non nocere, en latin : d’abord (en premier lieu) ne pas nuire. Cette locution est bien connue des étudiants en médecine.

3. Le proverbe « Dans le doute abstiens-toi. » nous semblait incomplet, et en contradiction avec un des préceptes de Wang Yangming (1472-1529) (王陽明) : « Dans le doute agis.« 

4. Genèse, chapitre 19.

5. cf. Christian Jacq, Le petit Champollion illustré, Robert Laffont, p.117, ou www.hierogl.ch/hiero/rx

6. Connaître bibliquement veut dire connaître sexuellement.

7. Certains auront reconnu la notion de zone proximale de développement initiée en Europe par Vygotski (1896-1934).

8. en temps opportun : au bon moment

9. Certains vont même à dire que vivre est une maladie sexuellement transmissible dont l’issue est toujours fatale.

10. Certains auront reconnu la notion de pause structurante présentée par Hélène Trocmé-Fabre.

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