Que raconte l’histoire à un futur adolescent ?

Hier après-midi, j’expliquais les cinq périodes de l’histoire à un jeune de 12 ans. Pour les curieux, nous pouvons diviser le temps ainsi : préhistoire, antiquité, moyen-âge, époque moderne et époque contemporaine. Nous travaillions sur les passages d’une période à une autre. Cet enfant, bientôt adolescent, voit soudain le monde des adultes s’effondrer sous ses yeux. Ainsi les nations, les empires, les civilisations naîtraient et mourraient pour des raisons puériles. « Mais ce sont des enfants ! » s’exclame-t-il. Que répondre à ce qui peut devenir une source importante de démotivation. Car pourquoi grandir avec à l’horizon ces grandes personnes qui se battent et s’entretuent pour des motifs futiles ?

Nous commençons par voir l’histoire avec les besoins organiques : boire, manger, avoir chaud, disposer d’un territoire, etc. Quand il y a environ 12.000 ans le réchauffement climatique a fait fondre les glaces (fin de la dernière ère glaciaire), ce fut la fin de l’âge du renne (paléolithique supérieur). Il fallut trouver d’autres façons de se nourrir, et au bout d’un moment on cultiva des plantes et éleva des animaux. Un peu plus tard encore, on se sédentarise, et on invente les chiffres et les lettres pour compter les têtes de bétail (la lettre A) : nous passons ainsi de la préhistoire à l’histoire pour des raisons alimentaires.

L’histoire commence avec l’écriture (les chiffres et les lettres) : avant cette écriture, c’est la préhistoire.

Regardons si les choses changent dans l’Antiquité, la période suivante du temps. Promenons-nous sur cette planète en 117. Que voyons-nous ?


Le monde en 117, par Matthias 2870

Un quart de l’humanité vit dans l’Empire romain.

L’Empire romain en 117. (carte Wikipédia, sous licence CC, réalisée par Tataryn)

L’Empire est immense : il s’étale sur un neuvième du globe. Pour le faire vivre et le protéger, en un mot, le gouverner, les dirigeants romains le séparent en deux parties : l’Empire romain d’Occident à l’ouest (les morceaux roses sur la carte), l’Empire romain d’Orient à l’est (les morceaux mauves sur la carte).

La capitale de l’Empire romain d’Occident sera Rome, et Constantinople (la deuxième Rome) pour l’Empire romain d’Orient (voir la carte suivante).

Partout dans l’Empire, il y a des thermes, où on peut se prélasser dans de l’eau chaude. Et comme le dira Juvénal, du pain et des jeux ! (Panem et circenses.)

Forcément, ça fait des envieux. Tout le monde a envie de se baigner et de manger gratos. (Et personne ne veut se rendre compte qu’il faut travailler pour ça !) Ce sont les grandes invasions.

Évidemment, à force de vouloir bénéficier sans rien faire en échange de l’eau chaude, de la nourriture, etc., l’Empire romain d’Occident s’effondre en 476.
C’est le début du Moyen-Âge. Tout le monde rêve de l’Empire romain, qui continue d’exister à l’Est : c’est Byzance ! Une expression française toujours en usage pour dire que c’est le paradis, l’abondance, le luxe !

L’Empire romain d’Orient durera à peu près mille ans de plus. Lorsqu’il sera attaqué par les invasions musulmanes, il appellera à l’aide les successeurs de l’Empire romain d’Occident : ce sera… les croisades. Lorsque l’Empire romain d’Orient s’effondre en 1453, c’est le début d’une autre période, l’époque moderne. Elle commence par la Renaissance, lorsque les artistes et autres intellectuels fuyant la chute de Constantinople arrivent soit à Rome, soit à Moscou, la troisième Rome.

Avec la Renaissance apparaît une nouvelle idée : l’argent peut tout acheter (primauté de la relation marchande décrite par Jean-François Billeter).
En France, ceux qui ont beaucoup d’argent, l’élite du tiers-état, nommée à l’époque la bourgeoisie, rêve de dire ce qu’il faut faire comme le clergé (les prêtres de l’Église) et d’agir librement comme la noblesse (les dirigeant de l’armée, de la police et du gouvernement). Cela prendra trois siècles : ce sera la Révolution de 1789, le début de l’époque contemporaine.


Ce voyage temporel étourdit le futur adolescent. Cet enfant s’interroge sur le monde des grands qu’ils pensaient un peu plus… adultes. Mais c’est l’histoire vu à l’aune des besoins organiques, avec les quatre instincts bestiaux décrits par l’énergétique : se nourrir, se divertir, se battre, et le quatrième que l’on ne raconte pas aux enfants.

L’histoire se lit à trois niveaux, un pour chaque étage du cerveau :

  1. le niveau des besoins organiques : c’est l’histoire scolaire ou officielle, celle que tout le monde voit, et à laquelle presque tout le monde s’arrête ;
  2. le niveau des besoins affectifs : c’est une histoire méconnue, ou peu connue, peut-être celle des idées religieuses comme celle que fit Mircéa Éliade ;
  3. le niveau des besoins intellectuels : c’est une histoire inconnue, entrevue peut-être par Gilbert Durand ou Charles Morazé.

L’histoire est seulement un miroir tendu pour nous permettre de voir qui nous sommes. Nous commençons ainsi à voir l’histoire au travers des besoins organiques et des instincts bestiaux : il est normal de trouver alors le comportement des êtres humains comme puérils. De quoi nous inquiéter. Mais tous les êtres humains ne sont pas restés bloqués au niveau du complexe reptilien (ou ses autres noms ou dérivés comme système de contrôle ou cortex occipital). Certains d’entre nous réussissent à passer au niveau du système limbique, encore moins au niveau du néo-cortex et la véritable élite accède au plein développement des lobes frontaux.

Il appartient donc à chacun d’entre nous de devenir pleinement adulte, de quitter l’infantilisme et peut-être d’arriver à lire l’histoire comme autre chose que des luttes puériles. C’est tout l’enjeu de son enseignement, et tout l’enjeu de l’enseignement.

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