Premières approches du dialogue pédagogique

PREMIÈRES APPROCHES DU DIALOGUE PÉDAGOGIQUE

PLAN

  1. Définition historique

  2. Définition pratique – 1er niveau

  3. Cadre général

  4. Évitons le terrorisme pédagogique : cultivons le DIalogue

  5. Techniques : principes généraux

    1. Relever ce qui nous intéresse et le majorer

    2. Interroger pour amener à décrire l’évocation

    3. Un état d’esprit

    4. Écouter

    5. Accueillir

I. Définition historique :

Dans Le dialogue pédagogique avec l’élève, Antoine de La Garanderie précise1:« Le dialogue pédagogique a donc pour objet les procédures utilisées et utilisables pour apprendre, pour comprendre, pour développer…, etc.

Quand nous disons « utilisées » et « utilisables » nous mettons volontairement l’accent sur deux modes de gestion du dialogue pédagogique :- L’enseignant se renseigne d’abordsur les procédures dont l’élève fait usage pour s’approprier le savoir…

Ensuite, l’enseignant renseigne l’élève sur les procédures dont il pourrait faire usage pour s’approprier le savoir.Tout au long du dialogue pédagogique on ne parlera que des moyens à mettre en œuvre pour s’adapter aux tâches scolaires. Il n’est pas impossible, il est même fort probable, et très souvent souhaitable, que l’enquête conduite par l’enseignant déborde le cadre des activités scolaires et fasse entrer en compte celles qui regardent la vie familiale, sociale, ludique. Mais la finalité demeure ou doit demeurer celle de l’exigence de l’adaptation scolaire.On ne procédera donc pas à une recherche des causes psychiques, psychosociales, familiales, organiques qui peuvent perturber la vie de l’élève. […] Bornons-nous à être humblement pédagogues. On va beaucoup plus loin qu’on ne l’imagine. »

II. Définition pratique – 1erniveau :

Un dialogue pédagogique a pour objectif la prise de conscience chez une personne de la façon dont son intelligence fonctionne.À cette fin, notre objectif est de lui faire découvrir ses évocations (prise de conscience de l’évocation).Le premier niveau de pratique sera donc pour nous d’arriver à distinguer, dans ce que dit la personne, ce qui relève d’une perception et ce qui relève d’une évocation.

Ce niveau de pratique correspond à la formation initiale (6 journées).

Pour ce niveau, choisissez de préférence une tâche non corporelle, les dialogues portant sur un travail corporel (sportif par exemple) pouvant être soit plus faciles, soit plus difficiles de par leur implication d’une perception particulière (la proprioception).

III. Cadre général

Postulat de Gestion Mentale :

NOUS NE SAVONS PAS À LA PLACE DE LA PERSONNE :elle seulea accès au for intérieur de sa conscience.

Ce postulat est un des points qui différencie la Gestion Mentale d’autres approches.Nous pouvons exprimer ce postulat d’une autre façon :

SEULE LA PERSONNE PEUT DIRE CE QU’ELLE OBSERVE DE SA CONSCIENCE.

Conséquences :- Toutes les techniques qui disent ce que la personne EST (visuelle, auditive…) ne sont pas des techniques de Gestion Mentale.- Toutes les techniques qui disent ce que la personne FAIT mentalement sans avoir pris soin de lui demander pour vérification ne sont pas des techniques de Gestion Mentale.

IV. Évitons le terrorisme pédagogique : cultivons le DIalogue

Il y a plusieurs niveaux chez la personne.1. Il y a ce qui se passe, en elle (dans son corps, son cerveau, sa conscience, sa pensée, ses muscles, ses organes…).

2. Il y a ce qui est accessible à la conscience: déjà une partie plus petite que ce qui se passe.3. Dans ce qui est accessible à la conscience, il y a ce qui est observé.

4. Parmi ce qui est observé, il y a ce qui est formulable(au travers d’un langage, peu importe sa nature, visuelle, sonore ou autre).

5. Ce que la personne communique, à l’extérieur, est une partie de ce qui est formulable.DONC, ce que la personne nous communique, en nous parlant, éventuellement nous écrivant, nous dessinant ou autres, représente une partie de ce qui se passe.

Nous partons donc de cette observation communicable.Le même phénomène existe de notre côté : dans ce qui est communiqué, nous ne prenons qu’une partie, dont nous ne formulons à nous-mêmes qu’une partie, dont nous n’observons qu’une partie, dont nous ne serons conscients que d’une partie…

Toujours est-il que nous partons de cette observation communicable, avec laquelle nous créons des hypothèses.Ce sont des hypothèses sur le fonctionnement de l’intelligence de la personne, sur la gestion mentale de la personne.À partir de ces hypothèses, nous avons deux possibilités.• Soit nous décidons de ne pas vérifier ces hypothèses, et nous faisons alors une interprétation. Avec ce que nous avons perçu de la personne, nous décidons de l’étiqueter. Par exemple, « cette personne est visuelle ». Nous confondons donc le sujet (la personne) et l’objet : nous réifions (chosifions) la personne. C’est une très grande violence portée à son encontre. Nous avons bien sombré dans un terrorisme pédagogique.

Soit nous décidons de vérifier ces hypothèses, soit directement (en interrogeant la personne), soit indirectement.

vérification directe : nous nous tournons vers la personne, nous reformulons ce qu’elle nous a dit et recevons alors confirmation ou infirmation.

Si la personne se reconnaît dans la formulation, l’hypothèse sur son fonctionnementest validée.Si la personne ne se reconnaît pas dans la formulation, nous avons à modifier, changer, rectifier, corriger notre hypothèse ou en formuler d’autres pour vérifier de nouveau.

vérification indirecte : nous n’avons pas l’opportunité de dialoguer avec la personne, nous avons cependant accès à ses productions (orales, écrites, gestuelles). À partir de ce que nous observons, nous bâtissons un champ de cohérence. Nos hypothèses décrivent un fonctionnement. Ce fonctionnement devrait engendrait telle facilité et telle difficulté. C’est à partir de l’observation (de notre point de vue) de ces facilités et de ces difficultés que nous vérifions, indirectement, nos hypothèses.

Exemple : nous avons donné un dessin à reproduire à la personne, elle réussit brillamment. Nous faisons l’hypothèse que cette personne a l’habitude d’évoquer visuellement. Cette habitude doit lui donner des points forts et des points faibles. Nous pouvons nous attendre par exemple que cette personne soit bonne en géographie par exemple. Or, ce n’est pas le cas. Donc, notre hypothèse n’est pas vérifiée : il y a à la compléter ou à la modifier.

Les points forts et les facilités de chaque gestion mentale est largement ébauchée dans Les profils pédagogiquesd’Antoine de La Garanderie.

V. Techniques : principes généraux

V. 1. Relever ce qui vous intéresse et le majorer

Dans ce que vous dit la personne :- reprenez ce qui relève de la perception, de l’évocation, de la gestion mentale d’une façon générale ;- fuyez tout ce qui vous éloigne de votre objectif : « les causes psychiques, psychosociales, familiales, organiques »2, qui sont intéressantes mais ne sont pas du domaine de compétence de la Gestion Mentale et vous éloignent de votre objectif (en clair quand la personne vous « raconte sa vie » comme je dis, laissez-la faire éventuellement mais ne renchérissez pas) ;- ciblez tout ce qui relève du champ lexical de la perception.

Par exemple, la personne vous dit : « Quand vous avez lu l’énoncé, j’ai tout de suite vu ce qu’il y avait à faire. C’était un vieux bus rouge, genre bus impérial, à deux étages, comme il y a à Londres. Je m’en souviens bien parce que j’y suis allé en vacances le mois dernier… ».Vous pourriez l’interroger sur comment elle se souvient de son voyage à Londres. Ou lui faire décrire le bus (sans penser à vérifier si elle va vous parler de son souvenir de vacances ou de ce qu’elle a fait lorsqu’elle vous a écouté lire l’histoire du vieux bus rouge).Vous pouvez aussi directement cibler l’évocation :

– Si j’ai bien compris ce que vous me dîtes, quand vous avez lu l’énoncé, vous avez tout de suite vu ce qu’il y avait à faire, c’est ça ?- Oui.- Et quand vous dites que vous avez vuce qu’il y avait à faire, voulez-vous dire par là que vous voyiez quelque chose en tête ou bien s’agit-il d’une façon de parler ?- En fait, je n’ai rien vu à ce moment-là.- Vous ne voyiez donc rien à ce moment-là mentalement. Vous vous parliez, vous entendiez quelque chose ?- Eh bien quand je dis que j’ai vu ce qu’il y avait à faire, je me parle pour me dire « c’est un problème de maths, faudra compter les nombres ».

Un exemple historique : Talleyrand, ou l’art de cibler sa conversation.

Jean Orieux, dans Talleyrand3, rapporte les propos suivants lorsque Napoléon demande à son ministre:

« « Vous êtes le roi de la conversation en Europe, quel est votre secret ? »Talleyrand lui répondit par une autre question : « Quand vous faites la guerre, vous voudriez bien choisir toujours vos champs de bataille ? »Napoléon lui dit qu’il serait bien aise de le faire mais que cela n’était pas toujours possible. »Eh bien, Sire, moi, je choisis le terrain de la conversation. Je n’accepte que là où j’ai quelque chose à dire. Je ne réponds rien au reste4.En général, je ne me laisse pas questionner, excepté par vous, ou, si on me demande quelque chose, c’est moi qui ai suggéré les questions. Autrefois, à la chasse, je tirais toujours à six pas : j’abattais peu de gibier. Les autres tiraient à tort et à travers. Je n’allais, moi, qu’à coup sûr. Dans une conversation, je laisse passer mille choses éloignées auxquelles je ne pourrais faire que des répliques ordinaires ; mais ce qui part entre les jambes, je ne le manque jamais. » »

V. 2. • Interroger pour amener à décrire l’évocation

Si la personne a une évocation visuelle, alors nous pouvons l’interroger sur son évocation comme sur tout objet vu :- couleur ;- volume ;- relief ;- forme ;- …

De même si la personne a une évocation auditive, nous pouvons l’interroger sur les points suivants :- musique, son, bruits, voix off ?- volume sonore ;- grave, aigu ;- rapide, lent, rythmé…- …

Si la personne a une évocation verbale, nous pouvons l’interroger sur les points suivants :

– c’est votre voix, une autre voix ?- ça parle doucement, fort ?- ça parle vite, lentement ?- ce sont des phrases, ou juste des mots ?- …

consulter le document de description d’un objet donnant de nombreuses pistes de recherche.

V. 3. Un état d’esprit

Je vous invite à lire la traduction d’un texte de Kierkegaard que vous pouvez trouver à

http://lycees.ac-rouen.fr/legolf/5_pedagogies/53bmb.htm

V. 4.Écouter

Cela peut sembler trivial, mais apprenons aussi à nous taire pour écouter l’autre. Nous utilisons le terme de dialogue, et non celui de discussion.Notre silence est la marque de notre accueil. Ce n’est pas un silence froid, glacial et distant. C’est un silence d’écoute, de place laissée à l’autre.

V. 5. Accueillir

On accueille l’autre, mais on s’accueille aussi soi-même. En dialogue, nous pouvons être touché inopinément par ce que nous entendons ou nous pouvons être surpris par notre propre observation. Nous avons à l’accueillir, puisque c’est la réalité.

Accueillir, c’est aussi laisser les commentaires de côté, tant « positif », comme « C’est bien ! », ou « négatif », comme « C’est n’importe quoi ! ». Ne nous laissons pas aller à dire à la place de l’autre ce qui est bien ou mal, ce n’est pas notre rôle ici.

Accueillir, c’est aussi laisser du temps et de la place aux autres et à soi-même.

Comment accueillir ?

Pas de commentaires.

Exemple : « Ah, pour toi c’est comme ça. »

Contre-exemple : « C’est bien. »

Accueillir les autres (et soi), c’est aussi donner du temps et de la place.

Document réalisé par Frédéric Rava-Reny, explorateur des gestes de l’intelligence depuis 1997, ancien stagiaire d’Armelle Géninet, Christiane Pébrel, France Pagès, Béatrice Glickmann, Catherine Malicot, Chantal Piganeau, Alain Taurisson, collègues de travail lors de différents stages en France, en Suisse et en Belgique de nombreux formateurs (trop nombreux pour être cités tous ici), formateur agréé par Antoine de La Garanderie en 2001.

© F.C. Rava-Reny, 04/03/2008, http://www.rava-reny.com

FICHE RÉSUMÉ – dialogue pédagogique 1erniveau

Comment pouvons-nous aider l’apprenant à prendre conscience de son premier travail ?

(fabriquer des souvenirs du cours !)

Peut-être en lui faisant vivre cette réalité.

Et pour cela, il nous faut la connaître suffisamment pour l’y inviter.

(pour la connaître suffisamment, vous pouvez préparer le terrain en lisant, mais rien ne remplace un dialogue vivant avec une personne qualifiée)

Accueil :

des autres ;

de soi.

Comment accueillir ?

Pas de commentaires.

Exemple : « Ah, pour toi c’est comme ça. »

Contre-exemple : « C’est bien. »

Accueillir les autres (et soi), c’est aussi donner du temps et de la place.

Écoute

Comment écouter ?

On laisse parler l’autre.

On reformulece qu’il vient de dire.

On lui demande s’il se reconnaît dans cette reformulation.

Exemple : « Si j’ai bien compris ce que tu as dit, tu as fait comme ci / comme ça, c’est ça ?… »

On laisse à l’autre sa place. On ne parle de lui sans lui !

Exemple : « C’est toi qui sait. »

Interroger pour écouter, mais interroger sur quoi ?

On demande à l’autre COMMENT il a fait.

Exemple : « Pour trouver cette réponse, tu as fait quoi ? »

Contre-exemple : « Pourquoi as-tu pensé à ça pour trouver cette réponse ? »

Exemple : « Comment ça s’est passé pour toi ? »

Proposer des pistes

Avec les indices que nous prenons sur le FONCTIONNEMENT de l’autre, nous bâtissons des hypothèses

Si nous restons au stade des hypothèses sur l’autre, alors nous sombrons dans un terrorisme pédagogique.

Nous nous devons donc d’aller interroger l’autre sur la validité de nos hypothèses.

Selon la réponse, nous modifions notre hypothèse en conséquence. Et formulons d’autres questions.

Nous postulons donc toujours la cohérence de la personne.

Que faire en l’absence de la possibilité d’un dialogue à deux ? (comme en classe)

Bâtir des champs de cohérences avec les indices récoltés dans la production des élèves.

Cela nécessite une connaissance minimale du fonctionnement mental.

C’est aussi pour cela que nous avons à mieux connaître la gestion mentale (bienvenue en formation !)

© F.C. Rava-Reny, 04/03/2008, http://www.rava-reny.com

1 Antoine de La Garanderie, Le dialogue pédagogique avec l’élève, Centurion, 1984, p. 98.

2 La Garanderie, Le dialogue pédagogique avec l’élève, Centurion, p. 99.

3 Flammarion, 1998, p.431. Cité par Michel Volle dans son site à http://www.volle.com/lectures/citations/conversation.htm.

4 J’ai mis en gras et en italique la partie nous intéressant ici.

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