Quand le verbe anglais est flegmatique et royaliste

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Chaque langue est un vaste système de structures différent des autres, dans lequel il existe un ordonnancement culturel des formes et des catégories qui non seulement permet à l’individu de communiquer, mais également analyser le réel, remarque ou néglige des types de relations ou de phénomènes, canalise son raisonnement et jalonne peu à peu le champ de sa conscience.

B. L. Worth, cité in Chinois mode d’emploi, de Joël Bellassen, Tching Kaneshika et Zhang Zujian, You Feng, 1996, p.4

Un de mes élèves butait constamment sur certains points de grammaire anglaise.

Je le vois cette semaine, tout content, me montrant une rédaction en anglais. La note, 9/20, ne justifiait pas la joie exprimée. Mais c’est que Wilhelm, pour cette rédaction en anglais, avait donné libre cours à son imagination sur le thème imposé : l’abdication de la Reine Élisabeth et la disparition de la monarchie.

Le professeur considéra sa rédaction comme bonne, et vraisemblablement accorda un 9, juste en dessous la moyenne, la seule qui puisse récompenser l’effort d’imagination malgré les nombreuses fautes grammaticales.

Wilhelm tint absolument à me faire lire son devoir : ce que je fis non sans rire de voir cette imagination riche.

« Quel dommage que la grammaire ne soit pas maîtrisée » fut notre constatation commune, en notant qu’une meilleure grammaire donnerait d’excellentes notes et un plaisir plus grand.

Nous travaillâmes donc ensemble un point de grammaire important : la construction des temps anglais. Je lui demandai de m’écrire les temps qu’il connaissait avec le verbe de son choix (sauf être et avoir, nous changeâmes ensuite de verbe car il avait choisi un verbe qui ne supporte pas de forme progressive).

A partir des temps connus (dont certains avec une construction fausse), je lui demandai de faire des observations (tout ce qu’il était capable de dire pour faire une synthèse) puis de trouver des règles de formation des temps (soit une démarche grammaticale).

Agréable surprise : un des premiers résultats de cette auto-analyse fut l’auto-correction des constructions fausses, de son propre chef.

Ce travail dégagea les observations simples suivantes :

– have est toujours suivi du participe passé ;

– be est toujours suivi du participe présent ;

– will est toujours suivi de l’infinitif sans to

(Wilhelm est en première S et connaît bien le sens de ces termes grammaticaux comme j’ai peu le vérifier lors de séances précédentes : la formulation peut évidemment être adaptée à l’originalité de chacun) ;

will est avant have qui est avant be ;

– parallélisme de constructions entre formes « présentes » et formes « passées » (e.g. : « I have played » et « I had played », « I am playing » et « I was playing »).

Cela me permit d’introduire la formule de Chomsky qui synthétise ces observations :

            / present
tense /                  (will)(have + p. passé)(be + p. présent) verb
           /past

qui est une formule de « factorisation ».

A partir de cette formule, Wilhelm a retrouvé ensuite les 16 temps (actifs) de l’anglais, résumés dans une seule formule : quelle économie !

Travail sur l’imaginaire (P4) : discussion autour du verbe pour bien mémoriser

Après ce travail d’observation, d’analyse et de découverte, discussion sur le comportement du verbe anglais.

Je fais remarque à Wilhelm que le verbe anglais est royaliste. Explications : s’il est seul, il fait tout le travail (temps simples, forme affirmative).
Exemple : I play, au présent simple, ou I played, au preterit.

S’il y a un auxiliaire, un autre verbe avec lui, il laisse à ce dernier faire tout le travail, ou presque :
le « I played » devient « I was playing » : la marque du passé n’est plus porté par le verbe, mais par l’auxiliaire.
(Je note au passage que be ou have ne se laissent pas trop faire : ils exigent du verbe une participation minime : se mettre au participe (au présent pour être, car on « est » au présent, au passé pour avoir, car avoir suppose un passé où l’on possédait la chose ou pas)).

Décidément, ce verbe anglais est royaliste à regarder les 16 temps !

Je saisis l’occasion pour traiter dans la foulée les formes négatives et interrogatives qui se construisent toujours en anglais avec un auxiliaire, do s’il n’y en a pas déjà.

« I played’ devient « I did not play » ou « Did I play ? »

Comment fait le verbe ?
Il est royaliste, donc pour lui, pour faire la forme négative (ou interrogative), il est évident de faire appel à une aide (un auxiliaire : celui qui aide).
Mais lequel appeler ?

Be ou have qui demandent une participation, ou bien do qui n’en demande pas, mais qui fait tout le boulot (do veut dire faire en anglais) ?

Forcément, le verbe, en bon royaliste, se décharge complétement sur do, véritable tiers-état, qui va tout faire : porter la négation ou l’interrogation, le temps et même l’accord si on est à la troisième personne du singulier au présent ! (He plays à he does not play)

Bon, voilà pour do.

Mais s’il y a déjà un auxiliaire, le verbe, en bon roi fainéant, ne va pas en appeler un autre !

Aussi le « I was playing » deviendra « Was I playing ? » ou « I was not playing ».

Enfin, il faut bien remarquer que le verbe anglais, devenu royaliste, est aussi flegmatique.

Jugez vous-même :

I play, you play, he/she/it plays, we play, you play, they play.

Partout le même, alors qu’en français on change à chaque fois (je joue, tu joues, nous jouons, etc.).

Il n’y a que pour he et she au présent qu’il sort de son flegme pour mettre un s.

(Qui sait si le il ou le elle n’est pas en fait le Roi ou la Reine pour qui on mettrait le s comme pluriel de majesté : singulière affaire !…)

A partir des capacités (observation, développement mathématique) et des représentations (critique de la royauté, caractère flegmatique des Anglais) de cet élève, un point de difficulté majeur en grammaire semble avoir été traité avec succès.

En tout cas, Wilhelm avait l’air enchanté, et bien intentionné de se rappeler cette façon de voir les choses…

Note : depuis cette séance, Wilhelm ne cesse de progresser en anglais et s’y sent à l’aise.
De l’utilisation de son paramètre dominant dans l’apprentissage.



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Anglais

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