À l’heure où la formation de formateurs reprend enfin en France, voici un extrait de Liberté et relations humaines, ou l’inspiration non directive, d’André de Peretti, pour alimenter la réflexion sur cette problématique : cours ou formation en gestion mentale.
Il est extrait du chapitre « Pédagogie et formation d’adultes », pp.181-2.
« Il faudrait, avant tout, faire le bilan des visées que soutiennent en face des adultes en formation les éducateurs. Dumazedier remarque à cet égard (in Réflexions sur l’entraînement mental), que « trop souvent les éducateurs se lancent dans l’action sans connaissances sérieuses, ni en matière de sociologie culturelle, ni pour ce qui est de la psychologie de l’éducation des adultes. Ils obtiennent ainsi des succès partiels mais avancent à l’aveuglette. Deux illusions les guettent. Les uns, victimes de leur juste attachement aux valeurs, s’imaginent qu’il suffit de donner des connaissances générales grâce à des ‘méthodes actives’ pour élever le niveau culturel de l’adulte. C’est l’illusion intellectualiste. Les autres, victimes de leur juste souci d’efficacité, se persuadent qu’il suffit d’initier à des activités, à des techniques pour changer de façon réelle le comportement des ‘élèves’, c’est l’illusion techniciste. Une étude célèbre d’un sociologue industriel anglais, Frisby, sur les effets de telles pratiques dans le perfectionnement d’agents de maîtrise a montré que ces procédés n’étaient jamais complètement inutiles mais dans quatre-vingts pour cent des cas les résultats étaient décevants. »
Illusion techniciste ou intellectualiste, méconnaissance des données sociologiques : ajoutons également la tendance anxieuse à se réfugier derrière des programmes et des doses excessives de connaissances à faire ingérer. Par derrière ces illusions ou tendances se pose le problème des intentions profondes. Pour quelles motivations réelles devient-on formateur ou éducateur ? Par désir de considération sociale ? Par refus de tâches objectives et de responsabilité administratives ? Par besoin de diriger autrui ? Par goût de servir la vérité ? Par volonté de puissance ? Par raison, ou par passion cachée ?
Par recherche d’une protection intellectualiste contre la vie ? Par vocation réformiste ou par conformisme ? Par liberté ou par fuite ? Par spontanéité créatrice, ou par convention ? Par amour désintéressé du prochain, ou par préférence des constructions rationnelles sur les personnes ? Pour quels clients, en définitive ? »