À quoi sert l’histoire ? Enquête (1) policière


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L’histoire sert à éclairer le présent des lumières du passé pour choisir un avenir.

F. R.

L’histoire sert entre autres choses à se doter d’une base de données pour trouver des faits et des éléments de comparaison dans un monde en mouvement.

Exemple : comment relativiser la tentative d’assassinat du premier ministre slovaque Robert Fico (15/05/2024) qui inquiète certains jeunes et moins jeunes, au point d’attaquer leur motivation ?
Relativiser, c’est-à-dire transformer (-iser) en quelque chose de relatif. Et pour créer quelque chose de relatif, il faut mettre en relation. En créant des relations entre les choses, nous les mettons en perspective et sortons de la torpeur dans laquelle nous plonge notre réaction initiale de peur.
Cela s’inscrit dans la démarche universitaire.

La démarche universitaire commence par chercher dans la « littérature » s’il y a quelque chose de similaire à ce qui nous intéresse : que savons-nous déjà sur le sujet ou sur quelque chose d’approchant ? Histoire de ne pas inventer l’eau chaude ou le fil à couper le beurre (expressions françaises pour dire inventer quelque chose déjà connu de tous). En méthodologie, c’est la pratique de l’index.

Face à l’actualité, regardons donc dans l’histoire européenne récente s’il y a eu des tentatives d’assassinats, abouties ou non, de premiers ministres.

Oui, j’en connais au moins deux, en 1978 celui d’Aldo Moro en Italie, évènement toujours traumatique pour les Italiens, et en 1986 celui d’Olof Palme en Suède. Regardons ce que nous savons sur le sujet. Mais où ?
J’utiliserai les pages disponibles sur Wikipedia. Pourquoi ? Un lycéen ou un étudiant peut les consulter facilement et elles reflètent un certain consensus.

L’assassinat d’Aldo Moro (1978)

En Italie, la Seconde Guerre Mondiale se termine par une Guerre civile (1943-1945). En politique, de 1945 à 1991, deux grands partis luttent :

  • la Démocratie Chrétienne, premier parti du pays, avec environ 40% des voix ;
  • et le Parti Communiste, avec jusque 34% des voix.

Les autres partis se partagent le reste des voix, avec en troisième place le Parti Socialiste avec environ 10% des voix.
Cette lutte entre Démocrates Chrétiens et Communistes se retrouve dans les films de Don Camillo, où le maire Peppone est communiste et le curé Don Camillo est démocrate chrétien. (voir Le petit monde de Don Camillo, etc.)
L’Italie est divisé en deux politiquement, mais également socialement comme le rappellent ces mêmes films : les ouvriers votent communistes, les bourgeois votent démocrates chrétiens.

Aldo Moro dirige la Démocratie Chrétienne et devient premier ministre, plus exactement Président du Conseil des ministres, de 1963 à 1968 et de 1974 à 1976.
Enrico Berlinguer dirige le Parti Communiste.
Dans les années 1970, Aldo Moro pense qu’il est de temps de mettre fin à la division politique du pays et d’intégrer des communistes dans le gouvernement. Enrico Berlinguer approuve. La recherche d’un accord entre les deux partis rivaux qui dominent l’Italie se nomme le compromis historique. Pour les communistes, un compromis avec la démocratie chrétienne permettrait d’accéder au pouvoir, d’entrer au gouvernement comme on dit en français.
Mais derrière la Démocratie Chrétienne, il y a trois groupes de pression :

  1. le patronat dirigé par Giovanni Agnelli, le patron de Fiat ;
  2. l’Église dirigée par le pape Paul VI ;
  3. les États-Unis avec lesquels l’Italie est liée, puisqu’elle est membre fondatrice de l’OTAN en 1949, alliance militaire entre les deux pays contre l’Union Soviétique.

Agnelli ne s’oppose pas au compromis historique tant qu’il conserve Fiat. Le pape et les États-Unis sont moins favorables.
Du côté des communistes, l’Union Soviétique n’est pas favorable non plus au compromis historique, car elle craint l’émergence d’un socialisme à visage humain.

Lors des élections de 1976, le score des communistes continue de monter pour atteindre 34%.

En 1978, les Brigades Rouges, groupe terroriste d’extrême gauche soutenu par l’Union Soviétique, enlève Aldo Moro. Les États-Unis pilotent les négociations. Aldo Moro est assassiné par ses kidnappeurs.

À qui profite le crime ? (cui bono)
Comme dans une enquête policière où l’ouverture du testament apporte des informations précieuses en éclairant les mobiles des uns et des autres, regardons les conséquences de l’assassinat.
Le compromis historique est rejeté. L’Italie reste dans le giron des États-Unis.
Les Italiens s’interrogent sur la responsabilité des uns et des autres dans l’assassinat de leur ancien « premier ministre ». Y a-t-il eu conspiration pour laisser mourir Aldo Moro ?
Le patron de presse Indro Montanelli condamne cette idée.
Le journaliste Webster G. Tarpley , commissionné par le député Giuseppe Zamberletti, soutient l’idée d’un complot américain : il sera dès lors catalogué de « conspirationniste ».
L’INA reste faussement neutre. Tout en apportant la coïncidence de la date de l’enlèvement avec un symbole fort… le jour de l’investiture du démocrate chrétien Andreotti grâce aux voix communistes à la présidence de la République.

Mais en 2006, France 5 diffuse le documentaire Les derniers jours d’Aldo Moro (toujours visible en ligne sur des chaînes complotistes Youtube et Dailymotion). Le journaliste Emmanuel Amara y interroge Steve Pieczenik, l’ancien négociateur en chef américain lors de l’enlèvement d’Aldo Moro. Ce dernier déclare que ce fut une volonté délibérée des États-Unis de faire échouer les négociations, même si cela aboutirait à l’assassinat d’Aldo Moro…

Suite à cela, l’Italie restera dans le giron des États-Unis.


Fin de la première enquête. Prochaine enquête : Olof Palme.

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2 réflexions sur “À quoi sert l’histoire ? Enquête (1) policière”

  1. Bonjour Frédéric
    « Relativiser, c’est-à-dire transformer (-iser) en quelque chose de relatif. Et pour créer quelque chose de relatif, il faut mettre en relation ».
    Le suffixe IF dans une autre langue, est la préposition de l’hypothèse. Mettre en relation pour se projeter dans le futur, relève de l’hypothèse.
    Pour moi, la première serait: et si les Européens cessaient de croire que les Américains veulent le bien de la planète, le bien des Européens? Et si les Européens cessaient de prendre les Américains pour leurs amis? Et si les Européens cessaient de se laisser dicter leur conduite par l’OTAN?
    Ça permettrait peut-être d’essayer d’écrire une vraie nouvelle page, de relativiser le pouvoir que se donnent les Américains….Et d’éviter des catastrophes humaines à l’échelle des familles, et des États, comme l’assassinat d’Aldo Moro.
    Bien à toi.

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