Souvent les gens disent ne pas aimer travailler. Peut-être est-ce vrai. Ce qui l’est davantage, c’est que beaucoup de personnes travaillent n’importe comment. Ne serait-ce pas cela finalement que nous n’aimons pas, le n’importe quoi ?…
Prenons l’exemple des exercices. Comment les corrigeons-nous ?
Nous écarterons le cas des professeurs qui donnent des exercices et ne les corrigent pas. Cette faute professionnelle grave, car elle instille l’idée pernicieuse de l’absurdité de l’école donc grève tout apprentissage futur, existe mais est somme toute peu répandue.
Dans la très grande majorité des cas, les enseignants corrigent les exercices, ou lorsque nous faisons nous-même des exercices, nous les corrigeons pour savoir « si on a bon » comme me le dit un jeune l’autre jour. Mais que faisons-nous de cette correction ? Déjà, il y a l’erreur commune chez les élèves de se contenter de vérifier si leurs réponses sont justes. Ce n’est déjà pas mal, mais c’est incomplet. Là où le professeur se sera donné la peine de faire une phrase voire un paragraphe, l’élève se satisfait à tort de son « oui », de son « x = 3 », etc. Aussi ce dernier ne comprendra pas pourquoi il n’aura pas tous les points au contrôle alors que sa réponse est juste. Juste oui, mais incomplète. En résumé, commencer par vérifier la justesse de sa production, d’accord, mais poursuivre en vérifiant si le travail produit est bien complet. Nous retrouvons la triple activité qui aère le cerveau : VMC, vérifier, modifier, compléter. Le maître-mot est exercice : l’exercice prépare au contrôle comme l’entraînement préparer au match. Donc un exercice se rédige dans les conditions du contrôle. Autrement nous manquerons de temps (ceux qui ne finissent pas le dernier exercice se retrouveront) et dans une moindre mesure, nous manquerons d’assurance (ceux qui ont barré leur réponse exacte pour en fournir une autre s’alarmeront), même si cette baisse de confiance en soi est due à une autre négligence.
Vérifier si sa production est juste et complète est déjà un premier point. Il y en a d’autres. Comme l’objectif de l’exercice est de s’exercer, se préparer au contrôle ou à la situation réelle d’utilisation de ses connaissances, préparons-nous à cette confrontation au réel. Ici nous rencontrons la grande pratique de l’annulaire : une fois l’exercice terminé, tout cacher sauf l’énoncé et le refaire de tête. Il ne s’agit pas forcément d’apprendre par cœur l’exercice, mais surtout d’en comprendre l’articulation, la structure. Car ce sont les structures qui sont transférables. Ou si vous préférez les méthodes. Les données d’un exercice peuvent changer. Les méthodes beaucoup moins. Mais il y a encore mieux en terme d’efficacité. Prenons notre copie corrigée, par nos soins ou celle du professeur. D’accord il y a des annotations en rouge, en vert, en bleu… Mais en quoi cela me prépare-t-il à la vie réelle, au contrôle, à l’examen, au concours ?… Cela me fait une belle jambe de savoir que ce mot s’écrit comme ça, mais est-ce que je peux marcher avec seulement un trait rouge ?
Non, il me faut savoir refaire entièrement l’exercice. Sur le papier. Sans aucune rature. Prenons un exercice de traduction. Je corrige en rouge mes phrases traduites. Très bien. Mais si je m’arrête là, je risque les refaire très longtemps ces erreurs. Je vais donc m’atteler à réécrire la phrase entièrement. Et en évocation bien sûr, c’est-à-dire en utilisant un protocole de séparation (dans l’espace ou dans le temps) : je ne garde pas le corrigé sous les yeux pour corriger ma copie. Quand je réécris la phrase correcte, je le fais de tête, sans avoir sous les yeux ni la correction, ni ce que j’ai écrit auparavant. Car il faudrait savoir : je veux arriver à l’écrire parfaitement cette phrase oui ou non ?…
Donc pour chaque phrase, revenir et revenir dessus, jusqu’à écrire la phrase parfaite.
Et si on pousse le raisonnement jusqu’au bout, savoir refaire tout l’exercice comme ça… Tout juste, du début à la fin, voire même de la fin au début, dans n’importe quel sens, mais pas n’importe comment !
Oui, parfois nous devons travailler comme un bœuf pour labourer le champ de notre ignorance.