Il arrivera un jour où nous découvrirons que les jeux vidéos sont une drogue. Ou que la dose qui fait sombrer dans l’addiction est suffisamment faible pour inviter à une grande prudence envers eux (comme ce fut le cas pour l’alcool et la cigarette).
Mais comme pour toutes les drogues, qu’est-ce qui nous fait tomber dans l’addiction ? Plusieurs facteurs sans doute, notamment la confusion entre besoin et désir. Un besoin satisfait engendre du plaisir. Un désir avide par nature ne se satisfait pas.
Quand on mange par faim, au bout d’un moment on s’arrête, on n’a plus faim et on est satisfait. Quand on mange par avidité, rien ne pourra nous satisfaire. Nous pourrons même en souvenir d’anciens Romains nous faire vomir pour continuer d’avoir le plaisir d’ingurgiter solides et liquides comestibles. Pourquoi continuer de satisfaire ce qui ne peut être satisfait ? Souvent parce que nous nous sommes trompés sur la nature du besoin ou du désir. Nous pensions avoir besoin d’une chose alors qu’en réalité nous en avions besoin d’une autre. Par exemple nous pensions avoir faim, nous nous jetons sur la nourriture, en vain car notre faim semble se poursuivre sans fin… Nous mangeons en vain comme vingt et sans vin, c’est sans fin cette faim… Pardon de cette digression à la Devos, juste pour signifier l’absurde de cette situation. Nous pensions avoir faim alors que, par exemple, nous étions en réalité fatigués. Une sieste, un petit somme, une nuit de sommeil eurent été préférables. Mais comme nous avons mangé sans réel besoin, notre organisme dépense encore plus d’énergie pour digérer cette nourriture inutile, ce qui le fatigue d’autant plus, ce qui va augmenter un besoin que nous croyons être de la faim… ce qui va nous précipiter encore davantage sur la nourriture, et c’est un cycle infernal (dans lequel on s’enferre).
Une difficulté de l’addiction est qu’elle correspond bien à un besoin, mais mal identifié, mal cerné, un besoin auquel on n’a pas attribué sa juste place, son juste moment, sa juste dose, sa juste intensité, son juste rythme…
Jouer aux jeux vidéos n’est donc pas un mal en soi. Cela correspond à un besoin. Sur le plan cognitif, quel geste mental est le plus sollicité dans les jeux vidéos ?… Si on considère qu’un jeu nous demande d’utiliser nos connaissances, de s’appuyer sur des règles, de tenir compte des autres, alors le geste mental prédominant est celui de réflexion. Et si nous jouions trop aux jeux vidéos à cause de la récession de la réflexion en classe ?…
Certes, la réflexion peut avoir la froideur du métal, mais aussi la douceur de la soie, ce tissu délicat dont sont issus des vêtements à la fois si légers et si chauds…
Ouvrons donc le geste de réflexion, sinon les jeux vidéos se refermeront sur nous comme un cocon confortable mais mortifère. Redonnons à réfléchir en classe afin de retrouver le goût du plaisir dans les jeux.