– Pour mon orientation l’année prochaine, j’hésite entre ce que j’aimerai faire et un cursus qui débouche sur un métier sûr.
– C’est quoi pour vous un métier sûr ?
– Un métier stable, où il y a du travail, comme orthophoniste par exemple.
– Qu’est-ce qui donne la sécurité à ce travail ?
– Hum, je ne sais pas, ça a l’air plus stable.
– Bon, j’ai une mauvaise nouvelle pour vous : vous êtes à l’aube de votre vie d’adulte, l’enfance est terminée. Vos parents vous ont menti comme tous les parents du monde. Ils vous ont fait croire que le monde était stable, « secure » comme vous dîtes. Et cela était nécessaire car cela est nécessaire pour l’enfant de croire que le monde est stable. C’est le travail des parents de rendre le monde de l’enfant stable et « secure ». C’est le travail des parents de faire en sorte que pour l’enfant demain sera comme aujourd’hui et qu’il pourra, lui, changer, alors que le reste reste sûr. Les parents permettent ainsi à l’enfant de développer son assurance. D’élaborer une stabilité intérieure. Quelque chose qui sera très utile quand devenu adulte il découvrira que le monde change tout le temps et que rien n’est sûr !
C’est cette confiance, cette stabilité, cette assurance qui nous permet d’affronter l’incertitude quotidienne, si visible en temps de crise.
Vous me suivez ?
– Oui.
– Pour en enfant, un monde en perpétuel mouvement peut sembler inquiétant. Pour un adulte, ce monde changeant est un vaste terrain de jeux où tout est possible, surtout la réalisation de ses rêves ! Par contre, cela demandera toujours un effort.
– OK.
– Quand vous parlez des orthophonistes, que se passerait-il si demain le gouvernement ne remboursait plus les consultations ? Y aurait-il autant d’orthophonistes ?…
Tout peut changer du jour au lendemain. De plus, la France est un pays révolutionnaire : dans notre histoire, il y a eu plusieurs révolutions. Vous avez étudié ça en histoire et en français, où on voit par exemple qu’au XIXe siècle il y a plusieurs régimes politiques. Qu’au XXe la République a été balayée d’un revers de main avec l’instauration du Régime de Vichy, etc. Tout ça pour vous prémunir du « avant, c’était mieux ». Tout a changé tout le temps, aucune époque n’a connu la stabilité qui caractérise l’enfance.
– Et pour mes maths alors ?
– Justement, c’est la réponse à « que faire ? ». La vie est par nature incertaine. C’est un long voyage, passionnant avec plein de bons moments et d’heureuses surprises, mais un voyage imprévu. Vous êtes à l’âge où vous faites vos bagages, votre grande valise pour ce périple. Les différentes matières que vous pratiquez au lycée sont autant de bagages pour affronter les situations diverses. Elles vous enseignent différentes façons de penser, chacune utile dans des circonstances variées de l’existence. Comme vous ignorez votre avenir, mieux vaut prendre le maximum de choses. Comme pour partir autour du monde : du maillot de bain à la parka, il vaut mieux tout prendre. Surtout que c’est votre cerveau qui assure le transport : vous voyagerez donc léger !
– Oui, je dois donc bosser mes maths.
– Eh oui, il n’y a pas d’échappatoire. Votre difficulté en maths est une grande chance. Elle vous offre de vivre à l’avance comment vous affronter les obstacles. Elle préfigure votre attitude dans la vie. Allez-vous baisser les bras ? Attendre que les choses s’arrangent d’elles-mêmes (cela n’arrive jamais) ? Donner un coup de collier (parfois c’est insuffisant) ? Chercher comment faire autrement ? Frapper à une autre porte au lieu de s’obstiner à celle qui refuse de s’ouvrir ?…
Dans tous les cas, sachez que c’est faisable. Tout ce que l’on vous donne au lycée est faisable.
C’est à vous de trouver comment. Et là je peux vous aider.
Quant à un métier sûr, nous reviendrons sur ce que c’est et comment l’obtenir.