Parler pour être pris ou compris ?

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Dans quel but parlons-nous ? Pour être compris à ceux à qui nous parlons ? Ou bien pour être pris dans un groupe de gens qui utilisent des mots à eux ? Un exemple avec un mot anglais, intraduisible… ou pas ! Et qui intéressera les parents et tous ceux qui travaillent avec et pour les adolescents.

Lorsque j’ai lu le terme empowerment dans un ouvrage sur les thèmes du management au travers du cinéma, je me suis demandé comment le dire en français. Si vous voulez être pris, pour en faire partie, dans le groupe des gens qui légitiment l’hégémonie américaine, pardon, le leadership américain, ce mot anglais est adéquat. Mais si vous voulez être compris, par exemple d’un adolescent, voire d’un enfant, il vaut mieux choisir un terme français.

Déjà, il faut se méfier des mots « anglais » en français : parfois ils n’existent tout simplement pas en anglais et parfois ils veulent dire carrément autre chose. Là, ça va, le mot veut dire la même chose.
Je consulte le wiktionnaire : ce dernier affiche que empowerment est un anglicisme désignant le processus par lequel l’individu s’émancipe, s’autonomise.

Dans l’exemple éclairant qu’il donne, je relève quatre constituants :

  1. estime de soi ;
  2. développement de ses compétences ;
  3. engagement collectif ;
  4. action sociale « transformative » (encore un nouveau mot au lieu de transformatrice).

Je regarde ensuite ce que nos cousins québecois ont trouvé avec leur vitrine linguistique. Pourquoi eux ? Îlot francophone dans un océan anglophone, non seulement ils ont compris que pour préserver leur identité ils devaient parler leur langue, mais ils s’en donnent les moyens.

Je découvre alors le terme d’autonomisation. C’est moins fun comme on disait quand j’étais ado, ou moins sexy comme disent les ados de nos jours.
Je vérifie que le mot français veut bien dire ce qu’il annonce, c’est le cas, par exemple un des sens est : processus par lequel des employés d’une organisation acquièrent la maîtrise des moyens qui leur permettent de mieux utiliser leurs ressources professionnelles et de renforcer leur autonomie d’action (Office québécois de la langue française, 2003).

Maintenant, regardons si nous allons retrouver dans le terme autonomisation, les quatre constituants trouvés plus haut :

  • estime de soi ;
  • développement de ses compétences ;
  • engagement collectif ;
  • action sociale transformatrice.

Autonome, ça veut dire quoi au fait ?

Regardons déjà ce que veut dire autonomie, une notion importante pour tous ceux qui s’occupent d’enfants ou d’adolescents.

L’autonomie est la connaissance de ses propres (auto) lois (nome), ce qui permet de s’administrer soi-même.

Frédéric Rava-Reny, Accompagner les devoirs, p.64, dans la partie « Autonomie ou indépendance ? »

Quelqu’un d’autonome peut formuler à un tiers ce dont il a besoin pour réaliser une tâche. Dans l’idéal, un adolescent est autonome, un adulte est indépendant. L’adolescent n’a pas les moyens de trouver seul ce dont il a besoin. L’adulte, si.
Illustrons la notion avec des pays ou des territoires.
Certains pays (dont la France) ont des territoires autonomes. Ils font savoir au pays ce dont ils ont besoin, par exemple d’une protection militaire en cas d’attaque : les territoires autonomes n’ont pas leur propre armée puisque c’est l’armée de leur pays qui les défend. Un territoire indépendant devient un pays avec sa propre armée pour assurer sa défense : s’il est attaqué, il se défend tout seul.

Voyons maintenant les quatre constituants dont nous avons parlé.

Estime de soi

Devenir autonome passe ainsi par la connaissance de ses propres besoins. Connaître ses besoins augmente la conscience de soi, peu importe ici de savoir si l’un des deux arrive avant l’autre (l’augmentation de la conscience ou la connaissance de ses besoins).
Lorsque notre conscience augmente, nous grandissons, et notre estime de nous avec.
Et d’un.

Développement de ses compétences

Lorsque notre autonomie augmente, nous développons nos compétences puisque, une fois que l’on nous donne ce dont nous avons besoin, nous pouvons faire ce dont nous avons besoin. Nos compétences augmentent donc.
Et de deux.

Engagement collectif

Puisque l’autonomie n’est pas l’indépendance, plus nous devenons autonomes, plus nous comprenons que nous avons besoin des autres pour faire ce que nous voulons. Nous ne pouvons donc pas agir sans les autres, ce que permet l’indépendance. Une autonomie croissante oblige ainsi à ce que les autres participent à notre action. Nous retrouvons donc l’engagement collectif dans l’autonomisation.
Et de trois.

Action sociale transformatrice

Lorsque nous sommes enfants, nous dépendons entièrement de nos parents : nous ne pouvons ni nous nourrir, ni nous chauffer, ni nous loger, ni nous soigner, etc. Nous ignorons ce qui est bon pour notre santé (les lois de notre corps), etc. Devenus adolescents, l’objectif change. Nous comprenons que nous faisons partie d’un ensemble de relations, familiales et sociales. Nous devenons peu à peu autonomes. Cela nous transforme, et transforme également la société qui intègre un nouveau membre. Il s’agit bien d’une action sociale transformatrice.
Et de quatre.

 

Les quatre qualités citées dans l’exemple du wiktionnaire se retrouvent donc dans le terme d’autonomisation.

Et je pourrais ajouter…
autonomisation : processus qui permet de passer du statut d’enfant à celui d’adulte lors d’une période de la vie nommée adolescence (13-24 ans).

Ah oui, pour mes amis italiens, ils pourraient donner un sens supplémentaire au terme appoderamento !
Oui, je pense que pour reprendre la pédagogie, nous devons aussi reprendre en mains notre langue…


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