« D’une façon générale, si la Chine n’a pas appréhendé la nature en termes de mouvement, c’est qu’elle l’a conçue à partir, non pas de corps individuels voués au mouvement, mais de facteurs en corrélation, se constituant en pôles -, les énergies yin et yang, dont découle une interaction sans fin (d’où l’attention qu’elle porte notamment, et beaucoup plus tôt qu’en Occident, aux phénomènes magnétiques).
François Jullien, Du « temps ». Éléments d’une philosophie du vivre, Grasset, 2001, p. 19.
Elle s’est détournée de la conception des atomes et des particules, dont on sait, depuis Lucrèce, qu’elle a partie liée avec les langues alphabétiques et le statut de la lettre, pour s’intéresser aux phénomènes d’influence et de transformation -, commençons, du moins, par le dire ainsi : le yin se condense tandis que le yang se répand, celui-là « s’appuie » sur celui-ci pour « s’épanouir » et celui-ci « obtient » celui-là pour se « matérialiser » : et, tandis que l’un croît, l’autre décroît, leur alternance est régulée. Pensant le cours ininterrompu de ces phases, la Chine était conduite à penser, non le « temps », mais le procès. »