Un des quatre projets du langage (que j’ai identifié) est celui d’influencer l’autre.
Savoir comment influencer l’autre, le suggestionner, est un des projets du français au lycée : comment ce texte nous invite à penser ça (plutôt qu’autre chose).
Nous retrouvons ainsi les genres littéraires (les sept principaux : épique, dramatique, lyrique, didactique, oratoire, critique, romanesque).
Si on veut épater la galerie, pardon, susciter l’admiration et l’étonnement en racontant des faits héroïques, c’est le genre épique.
Genre : soudain la professeur de français se dressa et d’une voix grave prononça ce mot terrible : « Contrôle ! ». M’opposant à une telle injustice, je fis retentir la clameur de mes camarades : « Madame ! Quel défi nous annoncez-vous là ! À cinq minutes de la fin, le procédé est déloyal mais nous combattrons vaillamment contre l’erreur aux mille visages. Posez donc vos questions et admirez notre talent. » La classe applaudit avant de rejoindre ce silence nécessaire au recueil de nos forces. Etc.
Si on veut faire rire, ou terrifier, ou faire pitié, avec des actions et des paroles et des gestes, c’est le genre dramatique (comédie, tragédie, mélodrame…).
Genre : « Contrôle ! » Ce mot glaça le sang de tous. À la moindre faute, nous aurions un point en moins, et pour certains un coup de baguette sur les doigts. Ou pire. En-dessous de la moyenne, nous étions collés le mercredi après-midi pour recopier cinquante fois chaque mot au lieu de jouer, insouciants, au grand air et au soleil. Etc.
Genre : « Contrôle ! » « Comment, encore ?… Mais on n’en a fait un hier ! » La remarque de Toto rendit la classe hilare. Etc.
Si on veut rendre sympathique et enthousiaste, en exaltant des sentiments personnels intimes, c’est le genre lyrique.
Genre : « Contrôle ! » Toto savait combien cela serait difficile pour lui. Sa dyslexie ne l’aidait pas. Son cerveau confondait encore les b, les d, les p et les q. Cela n’arrangeait rien. Mais il faisait beaucoup d’effort. Il était passé de cinquante-trois fautes à seulement dix-neuf. Du progrès. Il continuerait, dictée après dictée, à progresser.
Genre : « Contrôle ! » Mot terrible qui me renvoie à ma difficulté. Ô dyslexie, déesse vengeresse. Quand cesseras-tu de jeter le trouble sur mon cerveau ? Quand permettras-tu aux b, aux d, aux p et aux q de retrouver leur orientation ? Mais qu’importe, dictée après dictée, je gravis les marches du succès. De cinquante-trois, dix-neuf seulement me séparent de la perfection. Je continue mon ascension. Un jour, j’y arriverai !
Si on veut donner l’envie et le plaisir de connaître, en donnant un (r)enseignement, c’est le genre didactique.
Genre : « Contrôle ! » C’était comme dans une fable avec ce petit garçon et ce renard. Comme si à ce mot le renard avait prit peur. Si le garçon avait prévenu le renard, il n’aurait pas fuit. Ou bien il serait revenu plus vite. Il faut du temps pour apprivoiser ses connaissances, et la surprise effraie souvent.
Si on veut convaincre par l’éloquence, avec de belles paroles, c’est le genre oratoire.
Genre : « Contrôle !… Oui, je sais, pour certains d’entre vous cela sera difficile. Regardez Toto. Sa dyslexie ne l’aide pas. Pour lui, c’est comme si les lettres se mélangeaient et sortaient dans n’importe quel ordre. Son cerveau a du mal à distinguer les b et les d par exemple. Mais Toto fait beaucoup d’effort et progresse jour après jour. C’est un exemple pour nous tous, alors courage ! »
Si on veut émettre un jugement, c’est le genre critique.
Genre : Je me souviendrai longtemps de cet instant. C’était un 23 mai, nous étions en classe. Je me disais que le cours se terminerait bientôt et que j’allais pouvoir rentrer chez moi pour goûter et jouer. Et soudain, j’entends « Contrôle ! ». Je trouvais ça très injuste mais avions-nous le choix ? Quand on a huit ans, on fait ce qu’on vous dit, voilà tout.
Si on veut narrer des faits imaginaires, c’est le genre romanesque.
Genre : Toto Verdurin, le fils cadet de la célèbre Madame Verdurin, avait huit ans. À chaque jour sa péripétie, telle aurait pu être sa devise. La journée de classe touchait à sa fin, et rien ne s’était encore produit, ou plus précisément, rien d’anormal ne s’était produit, ce qui était dans la vie de Toto quelque chose d’anormal en soi. Mais soudain, l’anormalité reprenait ses droits. « Contrôle ! » Au silence soudain de la classe, la remarque de Toto fit esclaffer tout le monde. Ah, enfin, tout rentrait dans l’ordre. C’était bien les histoires de Toto.
(en résumé, on pourrait dire :
étonner et admirer : épique
rire, pitié, terreur : dramatique
sympathie et enthousiasme : lyrique
envie de connaître : didactique
convaincre par la parole : oratoire
juger : critique
faire rêver : romanesque)