Être pauvre rend bête

Un article « Comment la pauvreté affecte les fonctions cognitives » (http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/74082.htm) confirme ce que nous disions déjà : à trop penser à notre survie (complexe reptilien), nous n’avons plus d’énergie disponible pour penser à autre chose.

Cela explique pourquoi nous avons l’impression d’avoir une chute de mémoire avec l’âge. Ce n’est pas l’âge qui est responsable, c’est qu’avec l’âge le nombre de responsabilités augmente. Contrairement à l’enfant, qui demande « quand est-ce qu’on mange ? », nous avons à préparer le repas, donc être allé faire les courses, donc avoir réparé la voiture, fait le plein, payer le loyer de la maison où la voiture est garée, être allé chercher les enfants à l’école, avoir fait la lessive, l’avoir étendue, repassée, pliée, mis dans les armoires de la chambre des enfants, etc.

Si vous comparez ce que nous avons à nous préoccuper en tant que grande personne face à ce dont nous nous préoccupions en tant qu’enfant, vous constaterez que c’est énorme.

Donc forcément, nous n’avons plus l’esprit (dispos) à apprendre aussi facilement que lorsque nous étions jeunes.

Ce n’est donc pas une histoire d’âge mais bien de choses à penser.

C’est la même chose avec la pauvreté : si nous allouons notre énergie à notre survie, comme comment payer les factures, c’est autant de disponibilité mentale en moins.

Une amie me le confirmait récemment : les réfugiés chinois apprennent vraiment le français une fois les formalités administratives réglées. Tant que l’inquiétude demeure, ils ne peuvent pas apprendre.

Du coup, même le QI va baisser, l’étude dit de 13 points. Quand on sait que le QI fut inventé par Binet pour prouver que les fils de pauvres étaient aussi intelligents que les fils de riches, cela laisse songeur…

Cela éclaire aussi d’une autre façon l’échec social d’un surdoué sur deux : dans leur recherche désespérée d’être avec les autres, aux QI plus faibles, la précarité dans laquelle ils vivent tempère leurs capacités intellectuelles trop élevées. Il y a d’autres façons (comme la gestion mentale), mais ils l’ignorent. Intelligents ne veut pas dire cultivés.

L’étude montre aussi que l’assurance d’un salaire augmente l’intelligence.

C’est ce qu’avait montré René Dumont (1987) dans Taïwan, le prix de la réussite : en garantissant un prix plancher aux agriculteurs quoi qu’il arrive, chacun a pris le risque d’entreprendre. Et ainsi de propulser un pays pauvre au régime autoritaire au rang de nation démocratique au niveau vie plus élevé qu’en Europe…

Des études relatées dans un documentaire d’Arte raconte la même chose : les causes subtiles de l’obésité nord-américaine sont à chercher dans l’absence d’assurance dans l’avenir, tandis que la bonne forme scandinave s’enracine dans l’assurance de ne jamais finir à la rue. Reste à trouver ensuite l’équilibre dont parle Boris Cyrulnik entre la sécurité première nécessaire à l’installation de l’intelligence, et l’insécurité seconde qui la stimule. La chaleur détend, trop de chaleur rend mou…

La Garanderie aussi, dans La pédagogie de l’entraide, publiée en 1974 aux Éditions ouvrières, montrait comment face à la compétition nécessaire il y avait urgence à rééquilibrer en soutenant la coopération et l’entraide.

Si nous faisons confiance en l’intelligence des personnes et leur assurons un minimum de conditions matérielles, la pensée se déploie dans toute sa splendeur et chacun bénéficie de ses fruits.

Comme l’écrivait déjà Antoine de La Garanderie dans Tous les enfants peuvent réussir : « Imbéciles de tous les pays, unissez-vous ! »

Quand les études scientifiques montrent que les pauvres sont moins intelligents non pas parce qu’ils sont ainsi au départ mais parce qu’on ne leur a pas donné les moyens de développer leur intelligence en étant toujours inquiets de leur présent et de leur avenir, on comprend mieux pourquoi la gestion mentale a du mal à se diffuser.

Donner à chacun les clés de son intelligence, c’est œuvrer pour une société plus juste.

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