Mon enfant marche à l’affectif. Et si c’était autre chose de mieux ?

Mon enfant marche à l’affectif. Et si c’était quelque chose de mieux ?… « Mon enfant marche à l’affect. Quand il a des profs qu’il aime bien / qui l’aiment bien, il n’y a aucune difficulté. » Suffirait-il d’aimer ses profs pour réussir à apprendre ?… Suffirait-il à être gentil avec ses élèves pour les voir réussir ?… Nous avons tous des raisons d’en douter.

Avec un peu d’expérience, nous nous rendons compte qu’il ne suffit pas d’aimer les gens pour faire leur bonheur. Sinon, la voie vers l’enfer ne serait pas pavée de bonnes intentions.

Avec un peu de connaissance, nous nous rendons compte également que si la composante affective existe en nous, elle n’est pas la seule…

Pourtant nous observons bien qu’un climat chaleureux est propice à l’apprentissage. Que de nombreux élèves progressent, parfois de façon remarquable, avec des enseignants accueillants, tandis que d’autres élèves, parfois les mêmes, régressent, de façon spectaculaire, avec d »autres enseignants, souvent qualifiés de « rigides, « froids », « tranchants »… Pourtant ces enseignants font leur travail : ils illustrent l’importance de la rigueur, des connaissances acquises, du par cœur… Mais, fait étrange, plus un enseignant préconise le par cœur, plus il risque d’apparaître comme un enseignant sans cœur…

D’aucuns pourraient dire que l’objectif du cours n’est pas d’être aimé de ses élèves ; ils ont raison. Être aimé de ses élèves n’est pas un effet recherché, c’est un effet induit, un bonus si vous préférez. C’est une conséquence annexe d’une pratique pédagogique, pas son but principal (qui demeure la réussite de tous les élèves, à savoir la possibilité de progresser en toute conscience).

Si nous restons au niveau des explications affectives, nous ne sortirons pas de ce fait : un élève travaillera davantage dans une matière où il aime son prof que dans une matière où il n’aime pas son prof. Alors cherchons ailleurs un éclaircissement, pour nous, au niveau cognitif.

Partons de notre expérience : spontanément, nous préférons ce que nous comprenons à ce que nous ne comprenons pas. Traduit en terme de gestion mentale, cela pourrait donner, j’aime mieux ce que j’arrive à évoquer que ce que je n’arrive pas à évoquer. J’apprécierai ainsi davantage un enseignant qui me permet d’évoquer qu’un enseignant qui ne me le permet pas. Ainsi, quand un parent dit : « Mon enfant aime ce prof. » cela pourrait se traduire par « Cet enseignant permet à mon enfant d’intérioriser ce qu’il doit savoir, cela lui permet de réussir ou de sentir qu’il progresse, en conséquence, il apprécie ce professeur. »

Dit comme ça, cela semble facile. Comme on connaît l’existence des images mentales visuelles et auditives depuis le milieu du XIXe siècle (oui, dix-neuvième siècle !), de très nombreux professeurs devraient réussir à aider les élèves à apprendre en leur donnant à voir et à entendre. Or, ils le font déjà. Et ça ne marche pas.

Aurait-on oublié quelque chose ?… Peut-être la même chose que nous avons oublié dans Les profils pédagogiques, l’ouvrage fondateur de la « gestion mentale » publié en 1980 par Antoine de La Garanderie. Quoi donc ? La notion d’évocation ? Certes, cette notion fonde et caractérise cette discipline nouvelle, nommée « gestion mentale » par l’Éducation nationale. Mais elle prolonge et se distingue de la notion « d’image mentale », avec laquelle elle fut confondue : on redonna ainsi aux élèves du visuel et de l’auditif avec le même constat que celui de la fin du dix-neuvième, cela ne marche pas. Alors quoi ? La notion de paramètres. En formation, j’appelle aussi les paramètres des portes, des palais, des pattes, des ports… selon l’usage recherché. La Garanderie montre l’existence de quatre paramètres, notés P1, P2, P3, P4. Ce sont les quatre références de base que nous pouvons donner à toute pensée. Une pensée peut relever du concret (P1), d’une convention (P2), d’opérations complexes comme la logique (P3), d’opérations élaborées comme les liens personnels, la métaphore, l’humour (P4).

Pour apprendre, nous avons besoin de ces quatre paramètres. Lorsqu’un enseignant, ou n’importe quelle personne, nous permet de penser en utilisant ces quatre paramètres, nous pouvons tout faire, et cela nous donne un sentiment de gratitude envers cette personne.

Un « prof que j’aime bien » me permet en tant qu’élève de : 1. penser à des choses concrètes, des personnes, des choses, des situations de la vie ; 2. penser à des choses conventionnelles comme des définitions, des mots, des nombres ; 3. faire des opérations complexes avec ma pensée ou mon corps : de la logique, des relations de cause à effet, des relations d’appartenance, des comparaisons logiques, analogiques, étymologique… ; 4. faire des opérations élaborées comme des liens personnels (prolongements, détournements, agencement…), des métaphores, de l’humour…

Comme je peux utiliser n’importe quel domaine de ma pensée voire tous, je peux progresser quelle que soit ma façon de faire… Du coup, j’aime ce prof ! Ou il m’aime bien.

Si par contre dans un cours je ne peux que faire du par cœur, je suis obligé de n’utiliser que du P2, quelque chose de conventionnel, qui privé de sens devient arbitraire. Je me coupe des trois autres palais de la pensée (P1, P3, P4).

Quand je peux utiliser chacune des quatre portes, je peux être attentif en P1, en P2, en P3, en P4… donc une puissance d’attention quadruplée ! Je peux mémoriser en P1, en P2, en P3, en P4… donc mémoriser quatre fois plus ! Je peux comprendre en P1, en P2, en P3, en P4… donc comprendre quatre fois mieux ! Je peux réfléchir en P1, en P2, en P3, en P4… donc réfléchir de façon quatre fois plus utile ! Je peux imaginer en P1, en P2, en P3, en P4… donc imaginer de façon quatre fois plus créative !…

Et cela, ce n’est que la façon de base… car je montre en formation comment rediviser les paramètres en deux ce qui donne 8 possibilités, et aussi encore d’une autre façon qui aboutit à 18 possibilités… De quoi rendre l’enseignement tellement attrayant… D’où l’affect décrit par les parents…

À quoi sert ce détour par les paramètres ?… Si nous restons sur l’explication affective qu’un élève travaille parce qu’il aime son prof, pour améliorer l’enseignement, cela rend les choses difficiles ou infaisables. Si nous cherchons au niveau cognitif, nous pouvons trouver, comme nous venons d’essayer de le montrer, que lorsqu’un professeur permet à l’élève de penser librement, le plaisir d’apprendre est présent. Et comment peut-il le faire ? En utilisant, par exemple, les quatre portes de la pensée (par exemple car il y a encore d’autres possibilités de base avec l’objectif, les deux présentations, les trois postures, les cinq gestes, les six modes d’expression et les sept niveaux de l’échelle de compréhension). La différence avec l’explication affective, c’est que nous pouvons présenter ou travailler un cours avec ces quatre portes. L’expérience est donc reproductible, pour la plus grande joie des élèves, de leurs parents et des enseignants.

.

.

.

En résumé, si nous observons ce qu’est un enseignant apprécié de ses élèves, nous trouvons très souvent une personne qui permet aux apprenants d’évoquer dans n’importe lequel des quatre paramètres ou portes de la pensée (concret, conventionnel, opérations complexes, opérations élaborées). Cette liberté de pensée nourrit le plaisir d’apprendre. En ne s’adressant qu’à une seule porte sur quatre, très souvent P2, le conventionnel, le par cœur ou les définitions, nous coupons les élèves d’un accès au savoir. C’est dommage pour eux et pour la société entière, à savoir nous tous. En utilisant les quatre portes de la pensée, sachons retrouver les quatre prospérités : celle du concret (P1), de la convention (P2), de la logique (P3) et de l’humour (P4) !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut