J’ai reçu aujourd’hui par mail le problème suivant.
Cherchez l’erreur !!!
Ça se passe dans un village qui vit du tourisme, sauf qu´à cause de la crise, il n´y a plus de touristes.
Tout le monde emprunte à tout le monde pour survivre. Plusieurs mois passent, misérables.
Arrive enfin un touriste qui prend une chambre. Il la paie avec un billet de 100 euros.
Le touriste n´est pas encore monté dans sa chambre, que l´hôtelier court porter le billet chez le boucher, à qui il doit justement cent euros.
Le boucher va aussitôt porter le même billet au paysan qui l´approvisionne en viande.
Le paysan, à son tour, se dépêche d´aller payer sa dette à la prostituée à laquelle il doit quelques passes.
La prostituée finit la boucle en se rendant à l´hôtel pour rembourser l´hôtelier, qu´elle ne payait plus lorsqu’elle prenait une chambre à l´heure.
Comme elle dépose le billet de 100 € sur le comptoir, le touriste, qui venait dire à l´hôtelier qu´il n´aimait pas sa chambre et n´en voulait plus, ramasse son billet et disparaît.
Rien n´a été dépensé, ni gagné, ni perdu.
N´empêche que plus personne dans le village n´a de dettes…
N´est-ce pas ainsi qu´on est en train de résoudre la crise mondiale ?
J’ai cherché l’erreur et je n’en ai pas trouvé d’un point de vue logique.
Pour ça j’ai utilisé une technique que j’enseigne en formation espace-temps pour décortiquer tous les problèmes (la schématisation de sériation spatio-temporelle !).
Regardons la chronologie des faits (comment s’est déroulée l’histoire en vrai et pas comme on nous la raconte).
- Le paysan va voir la prostituée pour quelques passes : il doit 100 € à la prostituée.
- La prostituée loue une chambre d’hôtel à crédit : elle doit 100 € à l’hôtelier.
- L’hôtelier achète de la viande au boucher à crédit : il doit 100 € au boucher.
- Résumons. Le paysan doit 100 € à la prostituée, qui doit 100 € à l’hôtelier, qui doit lui-même 100 € au boucher. Cela revient à dire que le paysan doit 100 € au boucher. Si le paysan donne 100 € ou l’équivalent en viande au boucher, tout le monde aurait été quitte et l’histoire en serait restée là. Chacun aurait mené ses activités sans que de l’argent circule mais ils n’ont pas fait du troc, ils se sont faits crédit. Suite de la chronologie.
- Le touriste arrive et dépose 100 € à la réception : l’hôtelier les prend, les donne au boucher.
- Le boucher achète 100 € de viande au paysan. Le paysan rembourse la prostituée, qui rembourse l’hôtelier. Les 100 € se retrouvent à la réception quand le touriste descend, les reprend et s’en va.
Les 100 € ont permis de finaliser l’échange de services qui ne s’était pas fait précédemment.
Il n’y a donc pas d’erreur…
Évidemment, on peut se demander :
- – à quoi sert l’argent dans tout ça (à faciliter les échanges ?) ;
- – pourquoi la crise ne se résout pas aussi facilement (pourquoi l’obésité est dangereuse pour les êtres humains mais pas pour les entreprises ?) ;
- – et bien d’autres questions encore…
Si ces questions vous intéressent, le sinologue suisse Billeter, dans son exposé Chine trois fois muette, avance une idée intéressante, celle de la réaction en chaîne autour de la relation marchande.
Ce ne serait pas l’argent le problème, mais la relation que nous établissons entre les choses, les êtres, les services et l’argent, donc la relation marchande, qui, comme une réaction en chaîne, commence à donner une valeur monétaire, et seulement une valeur monétaire, aux choses pour arriver à réifier, chosifier les êtres (ce que nous voyons désormais).
Enfin, quelque chose comme ça : j’avoue ne pas avoir encore tout compris, surtout que Billeter donne juste une piste, celle de s’autoriser à penser que l’économie telle que nous la vivons est un choix, que nous pouvons la repenser comme la relation entre l’argent et les êtres.
© F.C. Rava-Reny, 14/07/2009, http://www.rava-reny.com