Espace-temps chez Pérec

La semaine dernière, j’aidais un lycéen sur le « nouveau roman ». Et ce matin, je tombe sur la remarquable parodie qu’en fit Georges Perec avec son chef-d’œuvre, La Vie mode d’emploi. Surprise, je trouve dans ce passage de la page Wikipedia, une illustration des concepts d’espace et de temps en noématique et en « gestion mentale ». Voyez par vous-mêmes !

« La Vie mode d’emploi met en scène une centaine de personnages – dont l’histoire est résumée en toute fin du volume –, et trois personnages principaux :
Bartlebooth, qui peint les aquarelles ; Winckler, qui les transforme en puzzles ; et Valène, le peintre qui rêve de faire tenir toute la maison dans sa toile. »

Page Wikipédia, La Vie mode d’emploi — Wikipédia (wikipedia.org)

Bartlebooth construit son aquarelle, il est dans une démarche temporelle, de synthèse.
Winckler part de l’ensemble pour aller aux détails, il est dans une démarche spatiale, d’analyse.
Et Valène ? Les deux ou aucune des deux démarches, ou peut-être cherche-t-il à ce que sa toile incarne toute la maison : nous retrouvons l’appui corporel qui échappe à l’espace et au temps tout en y étant soumis.
Mais poursuivons sur la page, et nous trouvons deux citations admirables.

« Il y a essentiellement deux types d’individus : les collectionneurs et les joueurs. Le premier accumule, de façon exponentielle. À sa manière, il recherche l’unité perdue, amassant les fragments qui pourraient finir par constituer un monde en soi, complet et sans failles. Le second dilapide, cherchant à épuiser ce qui ne peut l’être. Pour lui, tout est toujours à recommencer. »

Jean-François Chassay, Le Jeu des coïncidences dans La Vie mode d’emploi de Georges Perec, Le Castor Astral, 1992, p. 129.

Les collectionneurs relèvent du temps, les joueurs de l’espace. Nous trouvons ici un vécu émotionnel (psychologique) des deux versants cognitifs. Encore une citation pour apporter de la nuance, si importante à Antoine de La Garanderie citant à l’occasion son maître Burloud.

« Du joueur enfantin au faussaire et à l’escroc, du joueur innocent à l’affabulateur et au truqueur, ils sont tous là, associés dans la même spirale moebiusienne où vrai et faux tournent indéfiniment intriqués : vrais joueurs, faux joueurs, tricheurs, tricheurs dupés, dupes du jeu, virtuoses du jeu… Tout au long du défilé se glissent deux groupes unis par d’étranges liens, les vengeurs et les sauveteurs. Les uns donnent la mort, les autres maintiennent en vie ; ils ont en commun d’être des obsédés de la mémoire. »

Claude Burgelin, Georges Perec, Seuil, collection Les contemporains, 1988, p.183.

Et là nous avons tout un éventail des variations émotionnelles (psychologiques) de la dimension spatiale de la pensée…

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