À regarder autrement le COD, le complément d’objet direct, on pourrait adhérer au conspirationnisme qui pullule actuellement sur la toile. Y aurait-il une conspiration entre la grammaire et la physique ?
Premier épisode : quand vous découvrez « qu’on » vous a menti sur le COD.
Oui, car, le C.O.D., complément d’objet direct dans le texte, on connaît. Ou on croit connaître. Bien en plus, surtout après deux mois de confinement à accompagner les gamins. Le COD a-t-on appris (bêtement) à l’école, c’est ce qui répond à la question « quoi ». Genre : le chat mange la souris (depuis le temps, il doit être obèse), le chat mange quoi, la souris, la souris complément d’objet direct. Pour ceux qui pensaient que c’était un déterminant et un nom, faut changer d’article… (et sans vouloir tomber dans le genre querelleur, il faut aussi arrêter l’écriture inclusive qui entretient la confusion entre la nature, souris est bien un nom, et la fonction, souris est bien un complément d’objet, mais c’est un autre sujet)
Donc la souris, complément d’objet direct…
Complément d’objet direct de quoi d’ailleurs, on se le demande. Mais bon, faut pas chercher à comprendre, c’est l’école, c’est la grammaire, et la grand-mère, elle radote ou elle a Alzheimer, donc, circulez, y a rien à (sa) voir.
Bon, puisque vous insistez, on va faire un complément d’enquête sur le complément d’objet direct. Complément, ça complète. Oui, mais ça complète quoi ?
Le chat mange la souris, la souris complète le chat parce qu’il a faim ?…
Le complément d’objet complète le verbe, car manger une souris ou manger un bœuf, ce n’est pas pareil. On dit qui vole un œuf vole un bœuf mais pas qui mange un œuf mange un bœuf ! Sinon adieu les régimes et la faim dans le monde ! (bon, d’un autre côté, vu que la plage risque d’être interdite cet été, à quoi bon faire un régime…)
Manger une souris, un bœuf, une banane, ce n’est pas exactement la même action.
Le complément d’objet raconte quelque chose de plus sur le verbe.
Mais pourquoi on nous aurait menti ? Ça ne répond pas à la question « quoi » ?…
Pas que. Ça c’est un truc, une astuce. On vous l’a fait à l’envers.
Le COD peut devenir sujet d’une phrase qui raconte la même histoire mais renversée : la souris est mangée par le chat. C’est bien la même situation mais vue du point de la souris.
Alors dans un sens, le chat mange la souris, c’est la voix active car l’acteur principal est le chat et il fait l’action. La même situation vue dans l’autre sens, la souris est mangée par le chat, c’est la voix passive car l’acteur principal est la souris et elle subit l’action.
La « vraie » définition du COD est donc ce qui peut devenir sujet à la voix passive.
Je prends un autre exemple : quand on danse, le tango par exemple, il faut être deux : un qui mène la danse, et l’autre qui suit. Les deux partenaires sont d’accord. Sinon ils se marchent sur les pieds ? Non, sinon ils ne peuvent pas danser. Celui qui mène la danse est le sujet et celui qui suit la dans est le complément d’objet direct. Pierre dirige Marie : Pierre sujet (du verbe dirige), Marie complément d’objet direct (du verbe dirige). Marie est dirigée par Pierre : Marie sujet (du verbe est dirigée). Pierre devient complément (d’agent, c’est encore une autre histoire…).
Le COD est le partenaire du sujet sans lequel l’action décrite par le verbe serait impossible.
On est donc très loin de la question « quoi ». Les conspirationnistes diront que cette question est faite pour nous laisser cois.
En tout cas, c’est sûr, on ne nous dit pas tout !
La preuve, en physique…
Deuxième épisode : quand vous découvrez « qu’on » vous a menti sur « tout est relatif ».
Eh oui braves gens, vous croyiez comme moi que « tout est relatif », c’est Einstein, que la relativité, c’est Albert, eh bien non. On vous ment.
En fait c’est Galilée… Vous savez, le gars qui a failli se faire brûler comme son pote qui croyait aux extraterrestres (l’infortuné Giordano Bruno), mais qui s’en est sorti en disant qu’il s’était trompé, que c’était bien la Terre qui tournait autour du Soleil et pas le contraire. Bon, je peux vous l’avouer, si Galilée n’avait pas été le prof de maths du neveu du pape, ce se serait bien plus mal passé, comme quoi ça sert d’avoir des connaissances bien placées.
Il n’empêche, la relativité, c’est Galilée. Qui dit par exemple que quand une voiture roule sur la route, on considère spontanément tout du point de vue de la voiture, et donc que c’est la route qui est fixe. Évidemment me direz-vous, c’est bien connu, la Terre est immobile (sauf au Japon et parfois en Italie avec les séismes, mais bon…). La Terre est immobile, la preuve le Soleil se lève le matin, bouge toute la journée et fatigué, se couche le soir.
Faux, tout faux ?… Non dit Galilée, tout est relatif ! (oui, c’est bien son idée à lui…)
Galilée réduit en cendres vos certitudes, et le bûcher l’a guetté pour ça…
Pour Galilée, tout est une histoire de point de vue : on peut choisir ce que l’on veut comme point fixe, on dira référentiel. Si on dit que la Terre est fixe, c’est la voiture qui bouge. Et si on considère que c’est la voiture qui est fixe, c’est le paysage qui défile sous vos yeux car la Terre est mobile.
Tout est relatif ! Albert Eintein. Galilée.
Je vous le dis, on nous ment, mais attendez, la preuve de la conspiration est proche. La collusion entre grammaire et physique sera enfin bientôt dévoilée.
Troisième épisode : quand le COD rencontre la dynamique
Oui, je les vois venir d’ici, les sbires de l’Académie, cette agence créée par Louis XIV pour formater la langue et en sous-main les esprits. Ils me diront : le COD, c’est quand il y a un verbe d’action ! Certes, ils le diront de façon beaucoup plus subtile, et tout à fait entre nous, plus emberlificotée.
Vous vouliez la preuve qu’il y a un formatage de la langue ? Avouez, vous avez eu un doute sur « emberlificotée »…
Mais c’est quoi cette histoire de verbe d’action ?…
Eh bien un verbe d’action, c’est quand ça bouge. Quand ça ne bouge pas, c’est un verbe d’état.
Du coup, on est au repos (verbe d’état) ou en mouvement (verbe d’action) ?
Le chat est gris : on est au repos, « est », verbe d’état.
Le chat mange la souris : ça bouge, « mange », verbe d’action.
Le COD, c’est que pour les verbes d’actions. Pour les verbes d’état, comme ça ne bouge pas, on ne peut pas renverser le point de vue. Le chat est gris. Gris est le chat. C’est exactement le même point de vue, l’un raconté normalement, l’autre par Maître Yoda.
Et alors ?… La conspiration éclate au grand jour.
En physique, il y a une branche qui s’appelle la statique (quand la somme des forces est vectoriellement nulle). Et une autre qui s’appelle la dynamique…
Comme c’est bizarre… La statique correspond aux verbes d’état. Les verbes d’actions correspondent à la dynamique. Oui, on peut crier à la conspiration !
Quatrième épisode : le COD comme référentiel possible, la conspiration dévoilée
Et ce n’est pas tout ! Prenons un stylo et lâchons-le par terre.
Nous pourrons dire « La Terre attire le stylo. » et dans cette phrase, la Terre est sujet, et le stylo COD, car on peut renverser le point de vue : « Le stylo est attiré par la Terre. » où le stylo devient sujet et la Terre complément (d’agent).
Mais si nous suivons la démonstration de Newton (le gars à la pomme), qui prolonge le travail de Galilée, le stylo attire autant la Terre que la Terre l’attire.
Le COD devient alors celui qui subit une action mécanique réciproque, d’égale intensité mais de sens ou direction opposée, que l’action mécanique exercée par l’autre objet (le sujet) sur lui. Il y a égalité de traitement entre le sujet et le COD du point de vue de la physique. Dans notre tango, le danseur et la dansée sont à égalité (d’où l’inanité de l’écriture inclusive qui veut faire genre en ajoutant de la confusion à l’abstrusion de l’enseignement de la langue). D’ailleurs on ne dit pas le danseur et la dansée, mais bien le danseur et la danseuse. La distinction de genre informe sur les rôles respectifs, égaux, opposés mais complémentaires des deux partenaires.
Mais si les deux partenaires sont égaux, pourquoi le stylo tombe alors ? C’est qu’il bouge plus car c’est le plus léger.
Du coup, si on décrit l’action du point de vue du plus lourd, c’est la voix active : « la Terre attire le stylo ». Si on décrit l’action du point de vue du plus léger, c’est la voix passive : « le stylo est attiré par la Terre »
La physique et la grammaire se rejoignent.
Alors, conspiration ?… Ou convergence cognitive ?… Ne serait-ce pas le même cerveau et la même pensée humaine qui observe et modélise la réalité, dans un cas d’un point de physique, avec un regard homogène / synchronique / géographique / spatial, et dans l’autre d’un point de vue grammatical avec un regard hétérogène / diachronique / historique / temporel ?…
Cela expliquerait pourquoi nous enseignons la grammaire et la physique, pour développer la multiplicité des points de vue que nous posons sur le monde et ainsi devenir toujours plus humain, selon un verbe d’état, ou en suivant un verbe d’action, de développer toujours davantage notre humanité.
Frédéric Rava-Reny