Si rien n’est plus lumineux après la lecture de cet article, cela illustrera que le trou noir garde la lumière prisonnière…
Notion de modèle, activité du physicien
Extrait du cours de 3ème de Rava-Reny :
« Pour mieux comprendre et maîtriser le réel, connaître les phénomènes naturels (naturels = de la nature, ce qui se dit « physique » en grec) et vivre en harmonie avec son environnement, l’Homme observe la réalité et en extrait des schémas ou des modèles qui en sont une abstraction.
Ces modèles doivent rendre compte (expliquer) les phénomènes connus (phénomène = ce qui se passe, en grec) et prédire ce qui va se passer. Mais il arrive que le modèle utilisé n’explique pas tout, n’arrive pas à expliquer une expérience nouvelle ou un phénomène nouveau. On recherche alors un modèle permettant d’expliquer les phénomènes connus.
Cela dit, un modèle, ou un schéma, n’est pas la réalité : c’est une abstraction.
Une carte routière par exemple est une abstraction de la réalité : la route avec tout le paysage.
Elle a une certaine utilité, mais ce n’est pas la route.
Ce n’est pas parce qu’une route est dessinée en rouge sur la carte qu’elle est rouge en réalité.
Il en est de même pour les différents modèles de l’atome : ce ne sont pas les vrais atomes, mais ils décrivent de mieux en mieux l’atome. »
Pour les trous noirs, c’est la même chose.
Le trou noir est d’abord un concept, une abstraction de la réalité.
Un concept ?
Le sable est un concept.
Je montre un bocal avec quelque chose à l’intérieur et je demande « qu’y a-t-il dans le bocal ? ».
Tout le monde, ou presque, me répond « Du sable ! ».
En réalité, le sable n’existe pas : ce qui existe, ce sont les grains de sable.
Ou, pour utiliser le langage d’Héraclite d’Ephèse : à la fois le sable est et n’est pas (existe et n’existe pas si vous préférez… tant pis pour Heidegger – consultez votre professeur de philosophie le plus proche qui tentera peut-être de vous expliquer la différence entre l’essence et l’existence, et pourquoi pas entre l’être et l’étant).
Le concept « trou noir » appartient lui-même à un modèle de la réalité, à une théorie.
Cette notion de modèle est centrale dans l’activité du physicien.
Alain Taurisson, dans Pensée mathématique et Gestion mentale – Pour une pédagogie de l’intuition mathématique, pp. 332 et sq., présente la notion « d’œil du mathématicien » qui voit ce que « l’œil du spectateur » ne voit pas. « Le spectateur voit et reconnaît les objets à partir de leur apparence. Il peut les nommer. Il voit tout ce qui est explicitement représenté et rien de plus. » (p.341)
« L’évocation du mathématicien consiste à faire exister un objet qu’en fonction de relations qui peuvent être explicitées. » (le mot évocation a ici le sens bien précis que lui donne la phénoménologie des actes de connaissance, ou « Gestion Mentale »)
Pour donner un court exemple, là où l’œil du spectateur ne voit que trois points A, B et C (non reliés entre eux), l’œil du mathématicien voit un triangle ABC.
Dans le même ordre d’idée, que « voit » le physicien ?
Quel regard la physique porte-t-elle sur le monde ?
Ma réponse est celle de Bernadette Bensaude-Vincent et Isabelle Stengers dans Histoire de la chimie, p. 293 :
« […] la physique se définit désormais par un nouveau défi, aller au-delà des phénomènes observables, vers une autre réalité qui permet de les interpréter. »
Aller au-delà des phénomènes observables, vers une autre réalité qui permet de les interpréter, et cela à l’aide du langage mathématique, car comme le précisait Galilée, la Nature parle le langage des mathématiques.
Origine du concept « trou noir »
Le concept « trou noir » fait partie d’un modèle : la théorie du Big Bang.
Dans le cadre d’un TPE, si je devais interroger les lycéens qui traiteraient le sujet des trous noirs, je leur poserai entre autres les questions suivantes :
– alors que le nombre d’étoiles est immense, pourquoi la nuit est-elle sombre ?
– pourquoi fait-il froid au pôle Nord ou en hiver ?
– qu’est-ce que l’effet Fizeau ?
La théorie du Big Bang n’est pas la seule pour expliquer l’Univers.
Elle repose que l’extension de l’effet Doppler aux ondes lumineuses par Fizeau.
Certains contestent cette extension. Ont-ils raison ?…
D’autres physiciens contestent le Big Bang.
Pourquoi ? Quelles sont leurs objections ? Quel est le modèle qu’ils avancent ?…
D’autres physiciens encore émettent des réserves sur l’existence des trous noirs, sans contester la théorie du Big Bang pour autant.
Voir par exemple les travaux de Jean-Pierre Petit et Pierre Midy, comme le résumé en français d’une de leurs publications scientifiques : http://www.jp-petit.com/Extensions/presentation/PQ1.htm
Implications sociales et philosophique du choix du modèle
Hormis que les physiciens s’ils trouvaient tout ne toucheraient plus leur chèque de fin de mois (Hubert Reeves), chaque modèle physique s’insère dans une vision sociale.
Dans un monde monarchiste, concevoir que des pierres (les météores) puissent tomber du ciel était impensable : cela remettait en cause l’ordre social. De grands savants ont ainsi réfutés leur existence.
Sur les implications entre modèle scientifique et société, l’ouvrage de Thomas Kuhn, La révolution copernicienne, est désormais un classique. Il est lisible par un lycéen motivé.
Relativité : principe et théorie
Pour terminer, le concept « trou noir » fait aussi appel à la théorie de la relativité d’Einstein.
Il faut bien distinguer cette théorie du principe de la relativité énoncé par Galilée, et traité en classe de seconde.
Un livre abordable par les lycéens : Einstein pour débutants, de Joe Schwartz et Michael McGuinness.
© F.C. Rava-Reny, 20/11/2002