Travailler un texte (3/5)

Dans les articles précédents de la série, nous avions vu comment travailler un texte grâce à notre vocabulaire et les quatre étapes de la méthode COSA. Regardons maintenant comment refaire ces quatre étapes avec la grammaire cette fois, et toujours sur poème de Paul Verlaine, L’Enterrement.

Pour rappel, les quatre étapes :

  1. Cadrage
  2. Objectivité
  3. Subjectivité
  4. Action

Je vais les reprendre avec une touche d’analyse grammaticale, dans la suite de celle de Georges Galichet, et d’une touche de noématique, dans le prolongement de la théorie d’un de mes maîtres et amis, le regretté Antoine de La Garanderie.

Première étape – Cadrage (C de COSA)

La scène se passe dans un cimetière, mais ce terme lui-même n’est pas utilisé par l’auteur. À la place, il mentionne un « enterrement » et un « fossoyeur ». Recherchons les catégories grammaticales de ces mots. Ce sont bien des noms, mais alors que « cimetière » est un nom d’endroit, « enterrement » est un nom d’action et « fossoyeur » un nom d’acteur.

L’auteur a donc préféré deux éléments dynamiques, action et acteur, à un élément statique, endroit, pour nous permettre de situer le récit dans l’espace. Nous pourrions y voir la trace de la tournure de pensée du poète qui a toujours eu un faible pour une vie de bohème, mais cela serait peut-être exagéré. Nous pouvons noter cependant un premier antagonisme : au lieu de parler directement d’un endroit désignant l’absence éternelle de mouvement – le cimetière – l’auteur choisit de le cacher pour mettre en avant deux termes dynamiques.

Le poème ne donne aucune indication temporelle : ni la saison, ni l’année ne peuvent être deviner. L’action est simplement contemporaine à l’auteur, autour de 1866, date de publication du poème. En ne donnant aucune indication explicite de date, on est autorisé à croire que l’action peut se dérouler n’importe quand. Cela aide à donner l’impression d’une description hors du temps, d’une relation (le fait de relater, dire) d’un fait général voire une vérité absolue.

Seconde étape – Objectivité (O de COSA)

L’univers visuel raconté met en lumière le reflet métallique, les couleurs blanche et rouge, mais cache la couleur noire derrière d’autre mots. Nous retrouvons ici un second antagonisme.

L’univers tactile regorge de contrastes : le mot « fraîche » s’oppose à « chaud », le mot « éboulement » contraste avec « mol », le mot « rondelets » qui décrit une horizontalité s’oppose à la verticalité de « frac écourté », comme « svelte » contraste avec « élargis ».

Notons au passage le choix du terme « éboulement », plus dynamique que le statique « éboulis ».

L’univers olfactif compte un contraste sous-entendu : les croque-morts qui devraient avoir une haleine fétide – à croquer le gros orteil du défunt pour s’assurer qu’il est bien mort – se retrouvent à exhaler le vin rouge.

Troisième étape – Subjectivité (S de COSA)

Ces antagonismes se prolongent au niveau émotionnel : nous voici au cimetière, lors d’un enterrement, et au lieu de rencontrer de la tristesse, de la peine ou des sentiments sombres, l’auteur nous donne des mots joyeux, de la beauté et de la lumière. Même le « défunt » devient un « heureux drille ».

Quatrième étape – Action (A de COSA)

Et le choix du dynamisme entamé avec le choix de noms d’actions au détriment d’un nom d’endroit se retrouve lors des actions : chaque personne fait quelque chose, et même les choses mentionnées comme la pioche ou la cloche sont également en mouvement.

Que pourrions-nous dire maintenant ?

L’auteur joue ainsi à cache-cache, en occultant certaines choses évidentes, comme le caractère statique du repos éternel, la couleur noire ou la tristesse, et en mettant en avant des éléments plus profonds : le dynamisme de l’enterrement, les couleurs étincelantes et la gaieté.

Et que direz un professeur de lettres de ce texte ? Avant de vous le raconter, voyons comment vous pouvez vous servir de cette méthode COSA, comme un de mes élèves qui prépara son bac avec. Comment ça a marché pour lui ? Et que pouvez-vous faire vous en plus ? Vous le saurez dans le prochain article la semaine prochaine. 😉

 

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