Les enfants sont-ils gentils ? Voyons les réponses habituelles à cette question fondamentale, et ce qu’apporte la noématique.
Oui… mais
Certains enseignants pensent comme Rousseau, que l’homme naît bon mais que la société le corrompt. Les enfants seraient donc tous gentils, et plus ils seraient jeunes, plus ils seraient gentils.
L’homme est naturellement bon, la société le corrompt.
Idée de Jean-Jacques Rousseau développée dans le Discours sur les fondements de l’inégalité parmi les hommes, 1755
La catastrophe arrive lorsqu’un rousseauiste rencontre un enfant méchant. Comment est-ce possible ? Comment faire pour continuer de croire que l’enfant est gentil et surtout qu’il mérite d’être accompagné, éduqué, pris en charge ?
N’y aurait-il pas un côté méchant chez l’enfant ? Ne pourrait-il pas être un être cruel parfois ?
Là, souvenons-nous du roman de William Golding, Sa majesté des mouches (Lord of the flies), avec deux adaptations en films, l’une en noir et blanc de Peter Brook en 1963 Le seigneur des mouches, l’autre en couleurs de Harry Hook en 1990, L’île oubliée.
Et non, il ne s’agit pas ici d’enfants qui arrachent les ailes des mouches ou autres joyeusetés sadiques…
Vous retrouverez une version plus douce d’enfants allant jusqu’à la guerre (pas des boutons) dans le film Les enfants de Timpelbach. Dans les montagnes sans doute alpines, les parents, à la fois excédés par le comportement de leur progéniture et soucieux de leur donner une bonne leçon, quittent le village. Après l’euphorie d’une liberté totale, les enfants doivent subvenir à leurs besoins et chez certains, la gentillesse disparaît…
Alors, l’enfant serait-il toujours bon par nature ?…
Non… mais…
Lorsque sa survie est menacée, l’homme peut agir méchamment. Les enfants n’échapperaient pas à cette règle. Pire, leur appétit plus grand et leur empire (contrôle) sur eux-mêmes (maîtrise de soi) plus faible les feraient choir (tomber) plus vite. Certains policiers pensent comme Hobbes que l’homme, quel que soit son âge, a de mauvais côtés.
L’homme est un loup pour l’homme.
Idée de Thomas Hobbes développée dans le Léviathan, 1651
Aussi faut-il une société pour mettre bon ordre à ces penchants, avec des lois et des gens pour la faire respecter, voire des gens d’armes.
Alors, l’éducation ne servirait-elle qu’à surveiller et punir ?… À faire accepter aux jeunes qu’ils doivent être vus tout le temps comme dans un panoptique ?
Entre l’idée d’un homme né bon que la société corrompt et celle d’un homme né mauvais que la société contrôle, nous voyons bien un système binaire. Nous pouvons en sortir en passant à un système ternaire où la nature de l’homme est ambivalente (double). Voyons cela pour restaurer l’image de l’enfant.
Ça dépend…
Bien sûr nous pouvons facilement voir la gentillesse des enfants. Pourtant ils peuvent être méchants parfois, comme le bambin tétant sa mère tout en empêchant son frère de le faire. Le complexe reptilien, le premier étage du cerveau, ne plaisante pas quand il s’agit de survie. Pour tous les corps, de prime abord, la question de la sécurité prime sur toutes les autres (même pour un pays : c’est le niveau stratégique dans la lecture géopolitique). Premier étage du cerveau, le complexe reptilien majore le niveau organique (physique) du réel, le système limbique accentue le niveau affectif, quant au néo-cortex il accorde sa prédominance au niveau intellectuel. Nous avons davantage qu’une ambivalence (système binaire) : nous avons une trivalence (système ternaire).
Cela permet d’apporter une explication sur les nouveaux-nés méchants qui déstabilisent tant les amoureux des enfants. Que savons-nous en effet des neuf mois qu’ils viennent de vivre dans le ventre maternel ?
Rien qu’au niveau organique, des corps, nous connaissons déjà l’incompatibilité sanguine entre la mère et l’enfant. Mais il y en a peut-être d’autres dont nous ignorons encore tout ! Malgré l’amour maternel, le bébé qui vient de naître peut ainsi sortir d’un enfer organique : pourquoi serait-il gentil ?… Et je ne parle même pas des niveaux affectif ou intellectuel.
Nous devons donc renoncer à la croyance des enfants gentils par nature. Pourtant nous sentons bien qu’il y a quelque chose, mais quoi alors ? C’est que le cœur de la conscience est calme et joyeux (c’est la quiescence, la nature non-inquiète de la conscience). L’innocence des enfants leur permet d’être plus en contact avec ce cœur, plus intensément ou plus fréquemment.
La bonté est naturelle (consubstantielle) à l’homme, en accord avec les idées de Rousseau en Occident ou de Mo-tseu en Orient (ou Micius, pour 墨子 Mòzǐ ). Le mohisme est un des huit modes de direction. Il y a donc une façon de diriger un groupe, une classe, une entreprise, un pays, en se basant sur l’amour universel.
Mais c’est un des huit modes de direction : il y en a sept autres, dont le légisme de Han Feizi, qui comme Hobbes considère que l’homme a besoin d’une carotte et d’un bâton pour avancer. C’est une autre façon de diriger selon les circonstances. Mais ce ne doit être ni la seule ni la méthode universelle puisqu’il faut savoir choisir laquelle des huit modes de direction apporter selon les circonstances.
Pour faire sortir la gentillesse spontanée des enfants, il faut parfois leur appliquer des lois pour leur apprendre à juguler leurs instincts bestiaux… En serait-il de même pour les adultes ?…