Contrôler ou non, la question des émotions

Une question qui revient souvent est : contrôler ses émotions.
Comment faire et est-ce faisable ?
Ma réponse est une réponse classique : on ne contrôle pas nos émotions, et pour les contrôler il faut en être conscient.
Pourquoi dit-on que l’on ne contrôle pas nos émotions ?
Si nous étions maîtres de nos émotions, nous choisirions tous d’être heureux tout le temps ! Et nous le serions. Or nous ne le sommes pas si facilement.
Mais je suis allé trop vite.
Pourquoi beaucoup de personnes disent « contrôlons nos émotions » ?
C’est que cela dépend comment on regarde les choses.

Entre se laisser emporter par ses émotions et limiter leurs conséquences, il vaut mieux choisir la deuxième solution.
Qu’est-ce que ça serait « se laisser emporter par ses émotions » ?
Ce serait quelque chose du style brûler de joie, mourir de chagrin, tuer par colère, se faire dessus de terreur, tomber en syncope de surprise et vomir de dégoût.
Par exemple on joue à cache-cache, quelqu’un me trouve, je suis surpris, je m’évanouis… ou j’ai peur, je fais dans ma culotte !
Je vois une image à la télé que je n’aime pas, je vomis.
J’ai une déception, je suis triste, j’en meurs… La vie serait peut-être plus intense, mais beaucoup plus courte.
Parfois certaines personnes choisissent l’excès contraire : elles enferment complètement leurs émotions. Elles ne ressentent plus jamais la joie, le chagrin…

Alors quand on est dans le bus, bien sûr, on préfère avoir un voisin qui ne dit rien plutôt que quelqu’un qui n’arrête pas de pleurer, ou un voisin qui se tient bien plutôt un qui déborde de colère sur son portable, etc. (si le bus ne te parle pas, imagine-toi dans le train pendant des heures avec un voisin qui pleure etc.)
Donc dans les groupes, entre celui qui ne contrôle rien et celui qui contrôle tout, on préfère celui qui contrôle tout. C’est pour ça que tout le monde dit « les émotions ça se contrôle », « il faut contrôler ses émotions »…

Mais entre rien et tout, il ne pourrait pas y avoir quelque chose ?…
Entre tout garder pour soi et tout montrer, il y a peut-être un équilibre.
Par exemple, si je demande si on voit directement les os de notre corps, la réponse est non, ils sont entourés de chair. Et pourtant on voit bien les dents ! La vie hait les excès.
C’est pareil quand on s’habille : on met des vêtements, mais pas partout sinon on ne verrait rien (ou bien on joue à la momie). La plupart du temps, on ne couvre pas les yeux ni les mains, au moins !
Selon les circonstances, on se met en maillot de bain, en manteau, on s’habille très bien pour un mariage et en décontracté pour faire du sport, avec de vieux vêtements pour repeindre le mur du salon… Quelque soit le vêtement, c’est toujours nous dedans. Notre nature profonde ne change pas, ce qui change, c’est que nous donnons à voir, ce que les autres voient.
Pour les émotions, entre rien et tout, il y a un intermédiaire. C’est comment j’exprime cette émotion, ou comment cette émotion s’exprime, qu’est-ce que je donne à voir, qu’est-ce que les autres voient ?
Les émotions sont un peu les habits de notre cœur.
Seuls les sauvages ou les gens très civilisés peuvent se promener tout nus. Tous les autres s’habillent, par souci de l’autre.
On ne contrôle pas nos émotions, par contre nous pouvons contrôler comment on les montre, comment on les dit, comment on agit quand elles sont là, mais pour ça, il faut être conscient de notre état.
OK, je suis joyeux. Je vais sourire comme ça l’autre va voir que je suis joyeux. Ou je vais lui dire « merci pour ce beau cadeau ! ».  Ou je trouve une autre façon de lui faire savoir, mais attention, chaque culture, chaque langue a codé la façon d’exprimer ses émotions. Dans des pays, on fait une bise pour remercier, ailleurs on fera une poignée de main, ou une accolade, ou une inclinaison de la tête, etc. À chaque fois, nous avons à vérifier qui est l’autre.
OK, je suis en colère. Je pourrais me laisser emporter par ma colère mais tout le monde va en souffrir : les autres d’abord et moi ensuite (c’est comme si je me pissais dessus à chaque fois que j’avais peur…). Je trouve donc une façon de faire savoir que je suis en colère : avec mon visage, avec des mots. Selon les personnes, dire « je ne suis pas du tout d’accord avec ce que vous faites » veut dire « je suis très en colère, arrêtez vos bêtises sinon je me laisse emporter par ma colère »…
Pour certaines grandes personnes presque adultes, ça peut être juste « quand je vous vois faire ça, je suis en colère »…
Quand on arrive à dire que l’on est très en colère et que l’on est très calme, beaucoup de gens sont très impressionnés, car ils sentent bien la colère en nous, et ils sentent aussi notre très grande force pour dire les choses avec calme. Ils nous trouvent alors très puissant d’arriver à mettre ensemble colère et calme. Comme si on avait les deux pôles d’une pile de 1000 volts et que les éclairs pouvaient jaillir à tout instant. Quand on arrive à faire ça, nous faisons aussi grandir en nous une incroyable puissance : en réalité nous devenons alors comme les super-héros… ou comme certaines grandes figures de l’histoire comme Churchill ou Clemenceau, qui malgré la colère de voir leur pays massacré par la guerre trouvaient le calme de mener la bataille jusqu’à la victoire.

Donc, entre « laisser aller » et « contrôler », alors oui, c’est mieux « contrôler ».
Mais encore mieux qu’un double choix : le triple choix ! « Tout laisser passer comme ça vient », « contrôler ce que les autres perçoivent (entendent, voient, sentent…) », « ne rien laisser sortir ».
On passe de « toujours oui » et « toujours non » à « oui », « ça dépend », « non ».
Et c’est plus vivant. Quand il gèle dehors, on n’a pas envie de manger des glaces, on a envie de manger un truc chaud. Quand il brûle dehors, on aime les glaces.
Donc à « aimes-tu les glaces ? », que répondrions-nous ?…
Si on reste sur oui/non, il vaut mieux répondre « oui » ; ou bien « non » si on n’en mange jamais et qu’on n’aime pas du tout ça.
Si on passe à un triple choix, la meilleure réponse serait : ça dépend du temps.
Bien sûr, c’est plus compliqué… mais c’est plus vivant !

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