Dans le premier article de cette série, la semaine dernière, nous avions vu comment commencer à travailler un texte grâce à notre vocabulaire et les quatre étapes de la méthode COSA.
Pour rappel, les quatre étapes :
- Cadrage
- Objectivité
- Subjectivité
- Action
Nous en étions resté à la première étape. Poursuivons.
Seconde étape – Objectivité (O de COSA) Entamons maintenant une seconde lecture du texte pour relever les mots se rapportant aux univers sensoriels (vue, ouïe, odorat, toucher, goût). La vue – Univers (sensoriel) visuel Recherchons les termes qui donnent à voir, comme ceux décrivant l’univers chromatique (les couleurs, valeurs…). Nous trouvons « brille », qui indique un reflet métallique, « blanc » pour le surplis du prêtre, « rougi » pour le nez des croque-morts, « resplendissants » qui est au sens propre un terme indiquant la luminosité. Il y a des couleurs suggérés par certains mots mais qui ne sont pas dites explicitement, comme le noir avec « au fond du trou » et « frac ». Nous reviendrons plus loin sur le contraste entre les couleurs dites et celles passées sous silence.
L’ouïe – Univers (sensoriel) sonore Pour l’univers sonore, nous avons « le fossoyeur qui chante », « la cloche » et son « trille », « le prêtre » qui « prie », la « voix […] de fille » de « l’enfant de cœur », les « discours concis » : chant, prière, voix, discours et son de cloche remplissent l’espace sonore. L’odorat ou olfaction – Univers (sensoriel) olfactif Pour l’univers olfactif, peut-être que « les croque-morts au nez rougi par les pourboires » apportent l’odeur du vin par leur haleine chargée dans l’alcool bu avec les pourboires et qui rougissent leur nez.
Le toucher ou tact – Univers (sensoriel) tactile Pour l’univers tactile, nous relevons « fraîche », « chaud », « douillettement », « mol », « éboulement » qui donne une touche de rugosité atténuée par l’adjectif « mol », « édredon », « rondelets », et si nous ajoutons le ressenti corporel, nous avons également « svelte » et « élargis ». Le goût – Univers (sensoriel) gustatif Pour l’univers gustatif, seul le terme « pourboire » pourrait suggérer une boisson alcoolisée.
Grâce à nos univers sensoriels, nous avons les éléments objectifs du texte. Troisième étape – Subjectivité (S de COSA)
Effectuons maintenant une troisième lecture du texte pour chercher quelles y sont les émotions vécues, les sentiments relatées, les idées exprimées. Les termes « gai », « allègrement », « heureux », « drille », « charmant » racontent une émotion de joie, comme « cœurs élargis ». Le mot « beaux » parle de l’idée la beauté, et nous trouvons un sentiment de fierté avec les mots « gloire » et « resplendissants ». Joie, beauté et tristesse relèvent de la subjectivité.
Quatrième étape – Action (A de COSA)
Procédons enfin à la quatrième lecture du texte pour relever les mots racontant les actions faites ou subies par les êtres et les choses, que ce soit des personnes, des animaux, des plantes ou des objets. Le fossoyeur chante, et sans que le texte le dise de façon explicite, nous pouvons supposer raisonnablement qu’il manie la « pioche qui brille » pour creuser le trou. La cloche sonne. Le prêtre prie, accompagné par l’enfant de cœur. Les croque-morts s’affairent autour du cercueil. Les héritiers, et peut-être aussi les amis du défunt, font de « beaux discours concis, plein de sens ». Si nous devions faire un film de ce texte, nous saurions maintenant quelles en seraient les actions.
Que pourrions-nous dire maintenant ?
Toujours à l’idée de faire un film, nous avons :
- le cadrage nous dit où et quand le film se passe ;
- l’objectivité nous livre le décor avec les cinq sens ;
- la subjectivité nous donne l’ambiance qui se dégage ;
- l’action nous montre ce qui se passe.
Grâce aux quatre étapes (C.O.S.A.), nous avons une idée, une compréhension du poème. Nous pouvons alors exprimer nos idées, nos émotions, nos sensations face à ce texte. Nous avons pu les faire grâce à notre connaissance du vocabulaire. Nous pouvons prolonger le travail en passant d’une connaissance du vocabulaire à celle de la grammaire. C’est la suite de cet article que vous trouverez ici (à partir de la semaine prochaine !).
C’est un détail mais, découvrant cet article 2/5 d’emblée… je cherchais le texte du poème !( Peut être l’insérer ici en rappel …) Merci pour votre analyse .
L’Enterrement
Je ne sais rien de gai comme un enterrement !
Le fossoyeur qui chante et sa pioche qui brille,
La cloche, au loin, dans l’air, lançant son svelte trille1,
Le prêtre en blanc surplis2, qui prie allègrement,
L’enfant de cœur avec sa voix fraîche de fille,
Et quand, au fond du trou, bien chaud, douillettement,
S’installe le cercueil, le mol éboulement
De la terre, édredon du défunt, heureux drille3,
Tout cela me paraît charmant, en vérité !
Et puis tout rondelets, sous leur frac4 écourté,
Les croque-morts au nez rougi par les pourboires,
Et puis les beaux discours concis, mais pleins de sens,
Et puis, cœurs élargis, fronts où flotte une gloire,
Les héritiers resplendissants !
Paul Verlaine, Poèmes saturniens, 1866
Merci pour votre commentaire. Le poème peut se lire dans la première partie (https://ifep.top/langues/travailler-un-texte-1-5/), mais je l’ai reproduit plus haut ou plus bas (selon l’ordre d’affichage).